À L’AFFICHE – L’Opéra Royal de Versailles présente le Don Giovanni de Mozart du 15 au 19 novembre 2023, un opéra mettant en scène le fameux séducteur de Séville qui a également tant inspiré Molière. L’occasion de voir combien Molière et Mozart sont toujours chez eux à Versailles.
Dans un lieu tel que Versailles, et avec une telle programmation musicale et artistique, les plus grands créateurs sont chez eux : ils y reviennent régulièrement et y tissent de nouveaux liens. C’est le cas avec cette nouvelle production à l’affiche.
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Don Giovanni revient à Versailles, qu’il n’a en fait jamais vraiment quitté : l’opéra de Mozart y a été présenté à de nombreuses reprises, en particulier dans la « Trilogie Mozart-Da Ponte » mise en scène par Ivan Alexandre et dirigée par Marc Minkowski. Et au-delà de l’opéra, le personnage de Dom Juan est indissociablement lié à Versailles, grâce à Molière. Ce séducteur qui ne cesse de traverser les siècles, de franchir les frontières (et les barrières du consentement) parlait d’abord espagnol (il vient de Séville et de la pièce écrite par Tirso de Molina). Avant de chanter en italien avec Mozart et Da Ponte, sa prose mémorable est en français : dans la langue de Molière qui écrit “Dom Juan ou le Festin de Pierre”.
Si Molière peut se permettre de se pencher sur un tel sujet (sous-titré « L’Athée foudroyé »), c’est bien entendu que le dramaturge-saltimbanque a des soutiens puissants, et même le plus puissant d’entre tous : celui du Roi Soleil. Louis XIV soutient Molière (le roi est même le parrain de son fils), lui fait passer commande, exprime sa satisfaction de spectateur et danse même sur ses œuvres (Louis XIV fera ses adieux de danseur avec Les Amants magnifiques, comédie-ballet de Molière et Lully). En parlant de danse : la nouvelle production de Don Giovanni à Versailles convoquera un Ballet (ce dont nous parle Laurent Brunner en interview).
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Mots-l’hier, l’aujourd’hui et le demain
Molière revient donc à Versailles, comme Zinédine Zidane au Stade de France : à domicile. Il y a même présenté une pièce de théâtre qui représente… le processus de création d’une pièce destinée à être jouée devant le Roi à Versailles ! Du théâtre dans le théâtre en somme, une mise en abyme intitulée L’Impromptu de Versailles.
Cette mise en abyme, le public la retrouve ainsi à chaque fois qu’il vient à Versailles, notamment pour y voir du Molière. Il n’est donc pas étonnant que Château de Versailles Spectacles ait organisé un cycle Molière pour ses 400 ans en 2022 avec un concert Charpentier sur Les Plaisirs de Versailles, mais aussi « Le Ballet des Jean-Baptiste » : Jean-Baptiste Lully et Jean-Baptiste Poquelin, duo dont Versailles a également présenté Psyché, sans oublier Le Malade Imaginaire avec la Comédie-Française et Le Bourgeois Gentilhomme. À cela s’ajoutait également le George Dandin de Molière & Lully, incarné et mis en scène par Michel Fau. Outre le fait que ce George Dandin est une sorte d’anti-Don Juan (malmené par sa femme et ses beaux-parents), cette production n’est pas sans lien avec le nouveau Don Giovanni à l’affiche en ce mois de novembre 2023 : ils ont en commun Christian Lacroix aux costumes et Gaétan Jarry à la direction musicale.
Mozart est là, toujours
Molière est donc chez lui à Versailles, mais Mozart aussi ! Son œuvre y est omniprésente, mais le compositeur y est également venu en personne (quoique tout jeune). Il a été reçu à Versailles par Louis XV et Mme de Pompadour. Il a alors 7 ans et se produit à travers l’Europe pour faire démonstration de ses talents d’enfant prodige (tout comme sa sœur, avec leur père Léopold). Il éblouit notamment ses hôtes royaux en jouant de l’orgue dans la Chapelle Royale (Léopold en appréciera pour sa part les chœurs).
Mozart a bien grandi lorsqu’il compose Don Giovanni et les temps ont bien changé. Déjà le premier épisode de la trilogie réunissant Mozart et Da Ponte, Les Noces de Figaro reprenaient une pièce française (de Beaumarchais) et mettaient en lumière le vent anti-monarchique. La Révolution française éclatera deux ans après Don Giovanni, et deux ans encore après elle, Mozart mourra.
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