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L’esprit du piano : concert étudiant, cours magistral

CONCERT – La 14e édition du festival bordelais, consacré au piano, accueille le jeune pianiste canadien Ryan Wang sur les bancs du grand amphithéâtre, dit 700, de l’Université Bordeaux-Montaigne : double promesse d’ivresse et d’adresse, autour d’un programme Chopin bien assemblé.

L’Esprit du piano chez Montaigne : un art de l’assemblage

Le festival L’esprit du piano est co-réalisé cette année par Paul-Arnaud Péjouan (fondateur et directeur artistique) et Emmanuel Hondré (directeur général de l’Opéra national de Bordeaux).

Le lieu d’accueil du récital de Ryan Wang est un hors les murs déjà coutumier du festival, fondé sur un partenariat avec l’Université, qui, souveraine à Bordeaux, se partage deux grandes figures de philosophes : Montesquieu, rive droite et Montaigne, rive gauche… du tramway. Un Steinway, en chaire et en or, trône sur l’estrade du plus imposant amphithéâtre de Bordeaux-Montaigne, peuplé par un nombre inhabituel de têtes blondes, invitées gratuitement par l’institution. Il résulte de cette rencontre un silence habité d’intelligence, pendant le jeu, et un bruit chargé d’enthousiasme, lors des saluts, les deux étant particulièrement rafraichissants.

« En un concert d’instruments, on n’oyt pas un lut, une espinete et la flutte, on oyt une harmonie en globe, l’assemblage et le fruict de tout cet amas »

Montaigne, De l’Art de Conférer. Additions manuscrites de l’Exemplaire de Bordeaux

C’est à cette invitation à la cohérence, chez le Montaigne des Essais, que répond le jeune pianiste, âgé de 16 ans, une cohérence vouée à faire trace, puisque le récital, capté par TV7, sera retransmis une quinzaine de fois en l’espace d’un mois.

Le programme est entièrement dédié à Chopin, et pour cause : Ryan est lauréat, entre autres, du 29e Concours de piano Frédéric Chopin pour les jeunes à Szafarnia en Pologne ainsi qu’au Concours de Piano Jeune Chopin 2023 de Lugano en Suisse. Il est une pépite d’or, qui continue à se perfectionner à Eton College, au Royaume-Uni, en parallèle de l’École Normale de Musique de Paris, alors qu’il s’est déjà produit dans des lieux prestigieux comme le Carnegie Hall, la Fondation Louis Vuitton ou encore la Salle Cortot.

L’âge d’être à la fac’, le talent d’y donner cours… © DR
Une étoile est née

L’artiste qui descend les marches de l’« amphi », comme s’il émanait du public, rejoint son instrument et s’ajuste à sa banquette avec rigueur, parfaitement concentré. Déjà, les graves soyeux de sa main gauche ouvrent un espace dédié à ce que le piano fait à la nuit. La main droite fait défiler le chant, fluide et intense. De la texture du nocturne, il respecte la distinction claire des tessitures, tout en attachant les notes perlées entre elles par le fil brillant du legato. Il appose les séquences, les unes après les autres, afin de faire renaître, par l’oreille et la main, la forme composée par Chopin, mettant de la lumière stellaire dans une nuit rêvée.

Le corps engagé

Comme avec le nocturne, Ryan pose une première main sur le clavier, et ouvre un espace vibrant, toujours retenu, jamais grondant. À l’aide du coude, accompagnateur discret de l’effort, il dose et unifie lignes et tessitures. La main droite paraît se scinder en deux, pour lester la partie principale d’un camaïeu serré et élégant. Son regard, parfois, se lève, comme s’il cherchait l’inspiration dans l’air qui se dégage de la table d’harmonie. Dans la Grande polonaise, il se penche vers ses mains, qui semblent lui parler depuis le clavier. Ce dernier est la partie émergée de l’iceberg, tandis que Ryan plonge en apnée dans les profondeurs les plus basses de la tonalité.

À lire également : Bruce Liu, le signe du chant
Un piano qui penche à gauche

Le clavier de Ryan penche vers la gauche, tessiture puissante et vibrante. Il met l’accent sur le côté janusien de cet opus : Jean qui rit et Jean qui pleure. Au premier va le jeu lumineux, furtif, crépitant, feuilleté, à l’harmonie sereine. Au second le jeu enténébré, le pianiste plongeant ses mains dans l’antre de l’instrument. La pédale, tel un cordage de spéléologue, accompagne la descente, le « tombé » de chaque intervalle douloureux. En grand habit de deuil, le clavier trille dans le grave, sans pour autant éteindre la lumière. Ryan fait de la « cinémusique », pratique un art du travelling, souffle le chaud et le froid.

Comme beaucoup de pianistes de sa génération, Ryan ne sourit pas, ou à peine, lors des saluts, comme pour mieux effacer l’être derrière la musique, celle-ci ne relevant pas du spectacle mais de l’expression authentique de l’être intérieur. S’il ne lui avait pas été demandé avec insistance, depuis les premiers rangs de l’amphithéâtre La lettre à Élise, fausse lettre, vrai arrangement, il aurait été entièrement fidèle au conseil de Montaigne (« Le silence et la modestie sont qualités très commodes à la conversation »). Heureusement, deux études de Chopin viennent boucler la boucle, qui toutes savent faire de la vélocité un billet pour le ciel.

Demandez le programme !
  • F. Chopin – Nocturne op. 62 n°1 en si majeur
  • F. ChopinPréludes op. 28
  • F. ChopinAndante spianato en sol majeur et Grande Polonaise Brillante en mi bémol majeur op. 22
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1 COMMENTAIRE

  1. trop bien d’avoir de l’actu sur les musiques classiques ! vous allez faire des articles plus généralistes comme epicmag.fr ? sinon bonjour à toute l’équipe !!

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