AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - LyriqueJonathan Tetelman à l’assaut des sommets à Gstaad

Jonathan Tetelman à l’assaut des sommets à Gstaad

CONCERT – Un sourire à faire fondre la neige, une puissance vocale à provoquer des avalanches, une incarnation théâtrale à générer des torrents de larmes. Non, Jonathan Tetelman n’est pas responsable à lui tout seul du réchauffement climatique, mais il provoque tout de même le tonnerre : celui des applaudissements du Festival de Gstaad. 

Premier de cordée

Gstaad, la prestigieuse station de ski suisse, accueille plusieurs festivals chaque année. Celui du nouvel an propose des récitals prestigieux dans quatre églises du village et des alentours, dont celle de Rougemont, à l’acoustique généreuse et claire, qui sert de refuge de haute montagne au concert du soir. Sont notamment attendus dans les prochains jours Sonya Yoncheva, Lisette Oropesa, Ludovic Tézier, Roberto Alagna, Fatma Saïd, Francesco Meli et Erwin Schrott. Bref, la programmation est très jetset. Et pour ouvrir son festival 2023/2024, sa fondatrice, Caroline Murat (la ptite ptite fillote de Napoléon, tout de même !) mise sur un jeune ténor, Jonathan Tetelman, déjà connu en France pour avoir chanté dans Madame Butterfly à Montpellier, Tosca à Lille et Stiffelio à l’Opéra du Rhin. Bref, des sommets du répertoire lyrique. Si son nom n’est pas encore très connu du grand public, sa carrière est en pleine ascension : il fera d’ailleurs ses débuts au Met de New York dans La Rondine de Puccini en mars prochain. 

La conférencière Michèle Larivière et Caroline Murat brisent la glace (© Patricia Dietzi – Gstaad New Year Music Festival)
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Une bonne pioche

Dans son costume noir étincelant sur sa chemise blanche comme neige, il justifie rapidement ce choix par sa voix corsée au vibrato vif et rapide, très adaptée à Verdi et Puccini. Ayant commencé baryton, il dispose de graves riches qu’il tient joliment. Ses aigus sont ardents : il est un Duc de Mantoue séducteur, à la fois doux et entreprenant. S’il varie les couleurs de son timbre en jouant sur sa couverture vocale, il déploie trop uniformément sa voix pleine, pourtant bien trop puissante pour un lieu si petit. Les passages plus intimistes n’en sont dès lors pas les moins mémorables.

une prière, Lyrique de Tetelman

Pour certaines pièces, il se réfère aux partitions sur sa tablette. Il montre dans les autres ses qualités théâtrales : s’il court un frisson dans le public, ce n’est alors pas seulement à cause des températures de haute montagne. Abordant le fougueux amoureux des Grieux de Manon Lescaut, il s’appuie les bras croisés sur le piano, un large sourire, enjôleur, aux lèvres. Très à l’aise, il joue avec le public, se tournant vers les spectateurs placés dans le chœur, ou plaisantant d’un oubli de paroles momentané ou d’une grande inspiration avant sa démonstration vocale finale dans O Sole mio

La surprise du chef est la présence du baryton Rafal Pawnuk, à la voix aussi noire et nourrie que sa barbe, profonde comme une crevasse et si large qu’il en perd parfois la justesse. Il propose un air et deux duos, lors desquels les deux chanteurs parviennent à être très ensemble dès que le ténor se détache de sa partition et interagit avec son partenaire. L’Escamillo (Carmen) reste assez sage et tout à fait compréhensible, malgré un accent assez prononcé. 

un récital main dans la main, même pour le mano-à-mano vocal
Par monts et par vaux

S’il y a des hauts dans cette prestation, il y a aussi débat. En effet, un message est adressé aux spectateurs au début du spectacle pour annoncer des changements par rapport au programme prévu, ainsi qu’un entracte allongé afin de préserver la voix de l’artiste. Mais ces nouvelles informations sont vite obsolètes puisque les artistes suivent finalement un autre chemin musical et font même complètement l’impasse sur l’entracte. Cette improvisation n’est pas sans conséquences : le pianiste Daniel Heide, comme déstabilisé, se rend coupable de quelques fautes de carre sur certains morceaux. Même sur le Bach initialement prévu, sa main gauche se montre rigide, comme un planté du bâton, alors même que la main droite surfe avec souplesse dans la poudreuse de son clavier. C’est finalement dans Schubert qu’il retrouve des nuances plus fines, avec certains phrasés d’une douceur extrême, le son restant comme en apesanteur. Puis, plus tard, les notes coulent comme la Saane, ce ruisseau qui se déverse non loin. Lorsqu’il joue, il se positionne en avant, bougeant les lèvres comme s’il murmurait des secrets à son instrument. 

Jonathan Tetelman, Daniel Heide (© Patricia Dietzi – Gstaad New Year Music Festival)

Alors que les applaudissements résonnent, les trois artistes saluent, puis, après un conciliabule laissant espérer un bis, quittent les lieux sans attendre le dégel. Tout « tschüss » ! 

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