Thaïs, c’est l’amour à la plage…

OPÉRA – La version de concert de l’opéra Thaïs donnée dans un Palais Neptune amarré sur le port de Toulon ouvre une porte dérobée sur un Orient originel, fantasmé par les écrivains du 19e siècle finissant, comme Anatole France.

Amour, à mort
© Frédéric Stéphan

Le plateau vocal est particulièrement équilibré, dans cette partition : trois femmes et trois hommes, alors que l’opéra est en trois actes et sept tableaux. La Thaïs de la soprano Chloé Chaume, en remplacement in extremis d’Amina Edris, souffrante, ne démérite pas. Auréolée d’une robe blanche à paillette, si longue qu’elle doit la relever avec un geste savant de prêtresse et/ou de courtisane, elle relève également sa voix longue vers les cimes et la fait retomber dans le quasi-parlé. La Crobyle de la soprano Faustine de Monès et les Myrtale / Albine de la mezzo-soprano Anne-Sophie Vincent unissent le sirop acidulé de leurs timbres, à la fois sensuels et aériens : les deux visages vocaux de Thaïs.

© Frédéric Stéphan

La confrontation de Thaïs avec Athanaël, confié à un baryton et non à un ténor, ajoute à la tension qui traverse les deux personnages, comme deux vases communiquant. La matière vocale de Josef Wagner relève de l’outre-noir : intensément vibrante, envoutée et envoûtante. L’imposant Palémon du baryton basse Jean-Fernand Setti confère à sa partie les couleurs d’une fresque préhistorique, qui garde tous ses pigments dans l’hyper-grave. La tessiture de ténor est distribué au Nicias de Matthew Cairns, amant d’une longue semaine, au vibrato nerveux et aux amplifications claironnantes. 

Amour à la mer !

Le souci d’équilibrer les forces du spectacle que l’on trouve chez Massenet concerne également l’importance des parties purement orchestrales, dont la célébrissime méditation de l’acte II, sorte de vortex dans lequel l’amour terrestre se mue en sentiment divin chez Thaïs. Laurence Monti, super soliste, est une Thaïs instrumentale portée par une phalange toulonnaise en état de grâce sulpicienne. Elle accomplit sa méditation en musicienne d’opéra, soucieuse de précéder ou de prolonger la voix du rôle-titre, d’entrer en écho avec elle, dans le phrasé, le timbre et le souffle. Les textures orchestrales se gonflent et se rétractent en permanence, sous le vent lyrique du compositeur. De ce balancement océanique émergent de petits ilots, mélopées orientalisantes confiées à la petite harmonie et aux petites percussions. 

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Le Chœur de l’Opéra de Toulon, préparé par Christophe Bernollin se montre labile et habile, pupitres d’hommes et de femmes souvent séparés dans cette partition, bienséance oblige. Le chef Victorien Vanoosten surgit sur scène et chevauche sa phalange avec une énergie, une stature et une posture de mousquetaire. Sa gestuelle toujours ample et expressive, est géométrique ou ondoyante, verticale ou caressante, en fonction de ses interlocuteurs. Sa baguette, athlétique, balaie les grands espaces jusqu’à atteindre le sommet émotionnel de l’œuvre. 

© Frédéric Stéphan

Véritable opéra symphonique, ce qui plaide en faveur de la version de concert, Thaïs est servi par des forces musicales engagées. Elles reçoivent de la part d’un public qui commence à trouver ses marques dans l’opéra hors les murs, le théâtre historique étant en réfection, des applaudissements longs, nourris et scandés.

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