Symphonie destructrice

CONCERT – L’Orchestre National du Capitole de Toulouse dirigé par son ancien directeur musical Tugan Sokhiev donne la septième symphonie « Leningrad » de Chostakovitch. Une soirée qui plonge dans la force destructrice de la guerre, devant des témoins médusés par le spectacle d’une annihilation en musique.

Temps de guerre : la 7e de Chostakovitch

En ces temps où le mot « guerre » se pose sur tous les écrans de télévisions, la septième symphonie de Chostakovitch, composée sous les bombes, trouve une résonnance particulière. C’est une symphonie en guerre et sur la guerre dont Tugan Sokhiev (qui quitta ses fonctions à la tête de l’orchestre suite au déclenchement des combats en Ukraine) et ses musiciens tirent l’essence la plus concentrée. Il s’agit de la seule œuvre de la soirée certes, mais que jouer ou que dire avant ou après ça ? Le chef dirige sans baguette, parfois du bout des doigts, du visage voire d’un simple regard. Cette expressivité corporelle anime celle de la musique et contribue probablement à la rendre si puissante et si poignante. 

© Romain Alcaraz
Machine inarrêtable

L’unité de l’ensemble des musiciens remplit sa fonction de machine implacable. Les rythmes sont sûrs, soutenus et laissent juste ce qu’il faut de place pour l’émergence des mélodies de bois comme des éclairs de vie s’immisçant au milieu de la désolation guerrière (le picolo du premier mouvement, le hautbois du deuxième…). Ceux de la caisse claire, volontairement répétitifs, viennent aussi marquer l’inarrêtable marche du conflit, se rapprochant avec le crescendo et suivant un motif impeccablement identique, d’intervalle constant pour asseoir l’inéluctable. Dans le même esprit, on peut aussi évoquer après l’accalmie de l’allegretto la reprise insidieuse du motif de piano, appuyé par le pizzicato sur la mélodie de basson. 

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Les larmes des violons

L’humanité se hisse parfois au travers des violons entrainés par Kristi Gjezi. Ils s’expriment de pleurs bouleversants, apaisant une peine discrète et résignée dans l’adagio avant le retour des hostilités qui viendront les faire taire à nouveau, puis définitivement à la fin du quatrième mouvement. La guerre c’est aussi des passages héroïques, mais les cuivres du Capitole insistent sur l’aspect grinçant que Chostakovitch leur a conféré. Ils nous disent que rien n’est véritablement beau. Même la victoire… 

© Romain Alcaraz
Triomphe ou chaos ?

Les volumes sont étudiés avec maitrise pour permettre à la fois un haut niveau d’intensité générale et l’expression de chaque pupitre. Ils sont modérés au début pour mieux amplifier les crescendos en paliers homogènes, aboutissant au premier et au dernier mouvement à un fortissimo constant et brutal. S’il demeure prenant, l’oreille de l’auditeur tend à s’y habituer au fil des mesures. Peut-être autant que de l’avancée implacable de l’armée nazie, il est ainsi l’allégorie du pilonnage de la ville par les bombes. Le tutti final est destructeur.

L’orchestre fait planer le doute sur l’intention de Chostakovitch de lui donner une dimension triomphante alors qu’il apparait ici purement annihilant. La musique de Chostakovitch et son interprétation a ce soir plongé une Halle aux Grains remplie dans un état que les mots ne pourraient qualifier que partiellement et imparfaitement. Elle constituait un véritable manifeste musical sur la guerre. Une fois l’émotion passée, le public applaudit bruyamment les musiciens et le chef qui fait lever chaque section et revient sur le podium devant une salle galvanisée par la secousse qu’a produit le concert. 

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