COMPTE-RENDU – « L’Arlésienne » dans la langue française, c’est celle dont on parle mais qu’on ne voit jamais : comme c’est le cas dans la pièce d’Alphonse Daudet (c’est de là que vient l’expression). Georges Bizet a composé une musique de scène, qu’on entend presque jamais, notamment dans cette forme accompagnant le théâtre, et assurément jamais comme elle est proposée à la Villa Viardot (non loin de la maison de Bizet).
On a failli ne jamais la voir ni l’entendre cette Arlésienne… et on a failli ne plus y avoir accès, voire ne plus la voir la demeure de Bizet. Mais heureusement grâce à l’engagement de Jorge Chaminé, son Centre Européen de Musique à Bougival a réuni la villa de la légendaire chanteuse-compositrice Pauline Viardot et la maison de Georges Bizet (où il acheva Carmen et sa vie), et aussi les havres de Tourgueniev et Berthe Morisot.
À Lire également : La vie extraordinaire de Pauline Viardot
Ces dames en talons ont à leur tour failli ne jamais l’entendre, ce concert de L’Arlésienne de Bizet à la Villa Viardot : même en ces premiers jours de printemps c’est la pluie, et même la grêle des giboulées de mars qui accueillent notre petite balade à travers le bois pour accéder au site (mettant à rude épreuve les talents d’équilibristes pour les hauts-talons : il ne faudrait pas tomber comme une autre légende du chant, la Malibran).
Près des yeux, près du cœur
On a failli ne jamais la voir ni l’entendre, mais quand on y est, on ne voit plus qu’elle : la Villa Viardot, intimement cachée en lisière de forêt, déjà loin du monde et du bruit, déjà et encore dans les siècles passés.
Le thème de l’après-midi a été façonné par celle qu’hélas nous ne verrons plus (elle nous a quittés, en janvier dernier, dans sa 100ème année) mais dont l’œuvre demeure visible et audible : celle à qui cette première édition du Festival Bizet à la Villa Viardot est dédiée, Madame Bénita Carteron (Secrétaire Générale des Amis de Bizet).
L’Arlésienne est ainsi représentée selon sa vision, dans une version concentrée, pour piano et comédienne (texte adapté par Hervé Lacombe).
Jamais on n’a vu, jamais on n’verra (ainsi, ailleurs)
On n’aura jamais entendu cette pièce et cette musique ainsi : pour cette version piano-jeu, l’atmosphère sonore était parfaite. Dans ce grand salon comble et comblé d’une demi-centaine de personnes, Stéphanos Thomopoulos joue sur un piano Érard (1898) de la cantatrice Pauline Viardot. Un son doux, rond et boisé vient tout de suite nous transporter vers une atmosphère sonore bien loin de notre temps, bien loin du métal et numérique : dans le vrai sens du « digital », celui d’un toucher d’élégance sur cet auguste clavier (malgré quelques petits problèmes de justesse dans l’accord de cette vieille dame Érard). Le regard d’aigle de l’instrumentiste est attentivement concentré sur son jeu tandis que la comédienne Isabelle Hurtin raconte et interprète les personnages de L’Arlésienne : Rose, Frédéric, Balthasar, l’Innocent se mêlent avec une telle passion qu’on croirait qu’elle relate des moments de sa propre vie.
In-ouï
On ne verra jamais ces personnages, et pourtant, ils n’auront jamais été aussi vivants que dans cette incarnation scénique très féline, dont chaque geste est travaillé et maîtrisé, rehaussé d’une voix féminine modulée pour chaque personnage, sans effort et sans jamais forcer. L’articulation dans le plus beau sens du terme n’est jamais affectée mais basée sur la liberté d’expression et la coordination respiratoire : une performance de musicienne des mots et du jeu, en somme.
On n’oubliera pas ce moment de plaisir, captant ces instants d’autrefois dans l’intimité d’un salon privé rendu à une histoire artistique pour un public privilégié (mais que chacun peut devenir) : un parfum de la vie passée à la Villa Viardot à travers un chemin musical, main dans la main avec Georges Bizet.
Geniale pouvoir resussiter de la musique d’ une epoque sur un piano tant de valeur historique
piano de Pauline Viardot eleve de Liszt……
Erards tant apprecié par grandes maitres Français comme Alfred Cortot ,, Lazare Levy