COMPTE-RENDU : L’Orchestre National du Capitole de Toulouse dirigé par Robert Trevino donne un concert intitulé « œuvres de Prométhées ». Ils sont rejoints le temps du second concerto de Liszt par le pianiste star Benjamin Grosvenor.
Prométhée, figure mythologique connu pour avoir été châtié par les dieux après avoir transmis le feu à l’humanité est une figure qui trouve un écho dans la nouveauté révolutionnaire qu’ont amenée certains compositeurs. L’œuvre éponyme de Beethoven n’est pourtant pas au programme d’aujourd’hui, qui se constitue de trois pages de trois compositeurs au tournant de ces bouleversements.
Bartok : feu tricolore
Le concert s’ouvre sur la Musique pour cordes, percussions et célesta de Bartok qui comme son nom l’indique, malgré un effectif de musiciens relativement étendu, a la particularité de ne contenir aucun instrument à vent. Les motifs sont répétés et amplifiés pour s’instiller dans l’oreille de l’auditeur. Robert Trevino dirige cette œuvre sans baguette. Il marque la monotonie du premier mouvement par la régularité des reprises dont le volume évolue peu malgré l’extension progressive aux différents pupitres. Le celesta, lui aussi à volume modéré renforce l’ambiance éthérée des parties qu’il interprète, ravivant le sombre feu de quelques faibles flammes bleutées. Les cordes sont dosées avec finesse, proposant dans le premier et troisième mouvements des passages avec un appui très léger des archets qui renforce l’impression d’étrangeté de l’extrait repris pour la musique bien connu du film Shining en particulier. Cela contraste avec la puissance nette des impacts de percussions qui viennent casser ces pianissimos. Les enchainements du deuxième mouvement sont dynamiques, rapides et articulés à la fois. La coordination des cordes avec le piano et les timbales y est efficace. Les influences folkloriques du dernier mouvement sont interprétées avec vigueur.
Liszt : tout feu tout flamme !
Benjamin Grosvenor (qui a consacré un album soliste au compositeur en 2021) plonge dès son entrée le public dans la rêverie romantique. Mieux que ça, son inspiration semble se diffuser à l’orchestre qui lui répond ou le reprend avec la même intention et le même phrasé. Grosvenor semble ainsi presque co-diriger le concerto et c’est surement ce qui fait le succès de ce soir. Particulièrement à l’écoute (et même au regard), Robert Trevino absorbe son jeu et le transmet à l’orchestre avec engagement et un équilibre intelligent des volumes. Le piano souvent mis en avant cède quand il le faut le devant de la scène aux thèmes des autres instruments, déployant généreusement les couleurs expressives héritées de Beethoven. Les graves dramatiques de Grosvenor structurent son interprétation quand l’orchestre plonge l’auditeur dans le vent vif de la nature, par le souffle aigu de ses bois. Les passages épiques sont immersifs : l’élan des cordes y est poussé par la puissance des cuivres et le piano s’exprime en leur sein avec l’éloquence d’un conteur médiéval. Ces passages se révèlent d’autant plus par leur opposition au velours de certaines cadences, marqué par une justesse dans les silences et un appui nuancé. Les nombreux dialogues de Grosvenor avec les solistes de l’orchestre (en particulier le violoncelle de Pierre Gil qui s’est aussi démarqué dans Bartok) sont fluides et synchronisés. Une véritable complicité musicale se forme ainsi dans les duos.
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Beethoven : attiser les braises
Bizarrement, après un concerto aussi éclatant que magique, les deux premiers mouvements de la 5e de Beethoven paraissent presque un peu fades. Peut-être à cause de la rapidité des tempi adoptés qui laisse peu de temps au célèbre motif pour se développer et au second thème pour se déployer. Cette impression se dissipe à l’allegro, amorcé par des cordes obscures qui contrastent avec la vive lumière de l’entrain qui leur succède. Les crescendos héroïques du presto exploitent toute la palette de volumes possibles, de leur pianissimo initial à l’emballement de leur explosion finale. Les vents entrainent les cordes et réciproquement : cercle vertueux de l’énergie. Comme quoi, Prométhée n’était pas le seul à offrir le feu aux Hommes ! L’Orchestre du Capitole aura ce soir là connu un destin un peu plus heureux…
Demandez le Programme !
- B. Bartók – Musique pour cordes, percussion et célesta, sz. 106
- F. Liszt – Concerto pour piano n°2 en la majeur, s. 125
- L. Van Beethoven – Symphonie n°5 en ut mineur, op. 67