AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - DanseSi Vivaldi m’était dansé : Les Quatre Saisons de Chauvin-Merzouki 

Si Vivaldi m’était dansé : Les Quatre Saisons de Chauvin-Merzouki 

COMPTE-RENDU – Julien Chauvin, violoniste et chef de l’ensemble baroque Le Concert de la Loge, poursuit son exploration des possibles, en matière de rencontre artistique, soumettant Les Quatre Saisons de Vivaldi aux gestes de la Cité, chorégraphiés par Mourad Merzouki. L’art de la fugue et du Tempus fugit :

Le temps qui passe : Le Concert de l’or-Loge

Il fait nuit (ou sombre en tout cas). Les musiciens se mettent en place dans l’obscurité silencieuse du Grand Théâtre de Provence, mis à part un grondement couleur de lune, moelleusement assourdi. Il s’agit de l’accord initial de la phalange baroque Le Concert de la Loge, dont les harmonies tâtonnantes semblent sourdre d’un brouillard matinal, à son point de rosée.

Il fait jour. Les costumes de Nadine Chabannier font vibrer les couleurs du temps, dans une dominante rouge d’aurore (le sang qui se fige) et jaune d’aube (la lumière du matin). Leurs pigments saturés attrapent les lumières (de Cécile Trelluyer) des différentes heures de la journée, propres à la course du soleil, depuis quatre grands projecteurs situés côté cour et côté jardin. Artificialité de studio et décor naturel évoqué par la partition trouvent leur point de jonction.

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Le violoniste-chef de l’ensemble baroque, Julien Chauvin, se fait maître du temps, grand horloger se déplaçant librement même si les triangles formés par sa tête, ses épaules et ses bras restent figés dans le stuc (plus que dans le marbre, baroque tardif oblige). Le maintien de l’équilibre physique et sonore de la proposition musicale repose sur cette clé de voûte. Le vocabulaire gestuel du chorégraphe Mourad Merzouki, en subtile correspondance avec le jeu du musicien, peut également explorer cette fixité. Sa danse oublie certaines articulations anatomiques, comme pour donner au corps l’inquiétante étrangeté du pantin.

Un temps pour tout/tous pour un temps

Les avancées sur scène des trois autres violonistes solistes de l’ensemble (Sabine Stoffer, Anaïs Perrin et Marieke Bouche) ainsi que du violoncelliste (Jérôme Huille), sont pour eux une manière d’entrer dans la danse, dans la battle, notamment lorsque leur solo libère un partenaire dansant attitré. Tous les membres trouvent, à la faveur d’un mouvement de concerto ou de symphonie, leur moment de gloire et de lumière.

Les sonorités de l’ensemble baroque veulent ressembler à tous les matins du monde, à l’éveil germinal de la nature. Les quatre danseurs et trois danseuses, tous individualisés ou synchronisés, s’enroulent et se déroulent autour de la rampe ou du tapis sonore de la musique. Tels des personnages d’horloges astronomiques, ils refont la course des planètes – dextrogyre ou sinistrogyre – ou la parade des oiseaux dans les mouvements vifs. Ils miment la croissance du grain de blé, la douce descente des flocons de neige, le mouvement souterrain des nappes phréatiques, dans les mouvements lents. 

Le temps qu’il fait : loué soit le Grand Climatologue

Le programme, ajoute aux temps qu’il fait (à travers les Quatre Saisons) des références à notre temps et aux temps antiques (dont la Sinfonia de L’Olimpiade en ouverture et fermeture…). La musique distribue sur chaque danseur, et réciproquement, élan vital, énergie magnétique, terrestre et céleste. 

Les pas de break dance de Merzouki sont particulièrement connectés avec ce sol et ce tapis sonore, leur virtuosité particulière consistant à lutter avec la pesanteur, depuis un point de gravité, qui est propre à chaque danseur et danseuse. Cette finalité chorégraphique, ce rapport au monde, convient à la musique de Vivaldi, qui veut faire oublier, depuis les poussés et les tirés des archets, le poids de la matière brute. Les bras et les mains des danseurs accomplissent également leur haute-danse, stellaire cette fois, en s’agitant vers le ciel, paumes ouvertes ou poings fermés, en gestes de démonstration éloquents, comme si la musique s’échappait de leurs lignes de vie. Musique et danse communiquent à travers leurs gestes propres, dans ce dispositif, qui met au travail ses frontières afin d’en libérer le potentiel expressif mutuel : vers un autre espace-temps.

Le public répond, par la densité de ses applaudissements, à cette expérience où l’hommage mémoriel – le temps qui passe – se double d’un jeu avec les tendances du moment – l’air du temps.

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