Si l’Amour ne causait que des peines, les oiseaux amoureux ne chanteraient pas tant.
Hommage en alexandrins à Monsieur Philippe Quinault à l’occasion des représentations d’Armide de Lully à l’Opéra Comique de Paris.
En ce beau mois de juin, et juste avant l’été,
C’est ici qu’on joua à peine deux années
Passées l’œuvre de Gluck, qui ravit les oreilles :
De cet exploit le lieu dût rendre la pareille.
Tiré du même auteur, le fort doué Quinault,
La musique de Gluck servait fort à propos,
Mais celle de Lully semble écrite pour lui :
Son rythme et sa beauté lui paraissent prescrits.
Et c’est au Sieur Rousset qu’on confia la baguette,
Car des Talens lyriques il est l’auguste tête.
L’« Italien de Versailles » n’a pour lui nul secret
Et il dirige avec une joie perceptible
Passacailles et danses, avec un son paisible
Précis, doux et serein, sans rechercher d’effets
Inutiles ou vains, laissant parler les bois
Ou les vents quand c’est à eux qu’échoit
D’illustrer la langueur de nos héros épris.
C’est à Lilo Baur que revint le défi
De couler en un seul décor tout identique,
Ayant relu fort à propos tous ses classiques,
Tant l’opéra de Gluck, que celui de Lully
L’entreprise est hardie, mais elle y réussit,
Créant un univers sombre et fort désolé
Qui convient à propos à cet hymen mort-né.
Bruno de Lavenère en signe les décors
Noirs, sobres et brillants, où se mêlent les corps
Des danseurs et du chœur en un seul mouvement
Fort prosaïque hélas à de certains moments
Que l’on voudrait plus denses et plus enfiévrés
Mais qui retombent hélas parfois comme un soufflé.
Les costumes uniformes et très contemporains
Qu’Alain Blanchot créa servent bien ce dessein
De souligner le mal et la désolation
Qui, des tristes amants, suscite la passion.
C’est Abel Zamora qui ravit l’auditoire
En amant fortuné qui ne cherche ni gloire
Ni fortune et dépeint d’un timbre délicat
Les plaisirs de l’amour et ses tendres appâts.
Apolline Raï-Westphal nous a séduits aussi
Par son timbre doré et l’ampleur qui jaillit
De sa bouche vermeille en des phrasés déliés
Les plus beaux des discours, avec simplicité.
Florie Valiquette est sa jumelle en scène
Et leurs timbres se mêlent avec une joie saine,
Ses graves étant plus ronds et son timbre cuivré
Donnent à ses récits une couleur ambrée.
C’est Enguerrand de Hys qui campe Artémidore
De sa voix de ténor fort droite et teintée d’or,
Tandis que Lysandre Châlon tient un Aronte
Dont il ne doit en aucun cas montrer de honte.
Son timbre est fort viril et son impact présent
Car dans toute la salle et jusqu’aux derniers rangs
Il articule net, sans effort apparent,
Tandis qu’Anas Séguin lui ravit la vedette
Offrant à vile Haine un implacable front
De son timbre élogieux, assuré par un son
Puissant et ténébreux qui sied au personnage.
Edwin Crossley-Mercer met aussi peu d’ambages
À défendre Hidraot de sa voix lourde et pleine
Avec un beau phrasé et des accents de haine.
C’est Cyrille Dubois qui cependant épate
En Renaud amoureux et glorieux il « s’éclate »
Laissant son timbre doux remplir avec ferveur
Les murs de l’opéra sans qu’aucune tiédeur
Ne vienne gâcher ce portrait fort flatteur.
C’est Ambroisine Bré enfin, en belle Armide
Qui se lance en chantant ce défi intrépide
D’interpréter si jeune un rôle aussi ardu.
Elle en déjoue les pièges et y met de son cru
Tout l’art de tragédienne et l’émouvante Reine
Qu’elle dote autant d’amour que d’implacable haine
Avec un avoir-faire et un timbre adéquat
Qui laisse les plus exigeants des cœurs pantois.
C’est avec grande ardeur et assez longuement
Que le public ravi a salué les rangs
Des artistes venus saluer, le cœur lourd.
Jodie Devos hélas nous ayant laissé sourds,
Privés et de son charme et de sa voix radieuse.
Prions qu’en haut des cieux elle soit plus heureuse
La représentation lui fut dédiée afin
Qu’on puisse tous songer à vivre et au destin.