COMPTE-RENDU – Il était une fois, au Festival de Toulouse, un prince du piano et de la culture nommé Jean-François Zygel. Communiquant sa passion au peuple de la ville autant par son verbe que par ses improvisations au piano, il consacre son concert du jour non pas à ses musiciens préférés mais au plus grand magicien du vingtième siècle : Walt Disney.
Un jour mon succès viendra
Comme Blanche Neige, convaincue que l’amour viendra à elle, la détermination du plus grand producteur d’animation à ses débuts est exposée au public par Jean-François Zygel lors de la première partie du concert. Convaincu de sa recette, celui qui rêvait sa vie en couleurs dans son enfance en dessinant les animaux de la ferme familiale persiste malgré les premiers échecs et les premières faillites. Jean-François Zygel retranscrit dans ses premières improvisations empreintes d’un romantisme doux amer, cette ambivalence entre fraicheur de l’enfance et difficultés de la vie à l’aube de la guerre. Un peu moins débordant qu’à l’accoutumé, le pianiste, par ses indications comme par ses improvisations plonge l’ambiance de ce concert dans une certaine intériorité peut-être en lien avec la nostalgie de l’enfance qu’évoque pour beaucoup les films de Walt Disney. L’ouverture dévoile sa sensibilité sur un thème lent dans un style qui pourrait approcher Chopin. La seconde improvisation plus rapide et cristalline mais sans soubresaut ou cassure marquée commence à baigner l’auditeur dans l’ambiance magique des films à venir.
Ce rêve noir et blanc
Le couvercle du piano est légèrement baissé, l’écran en fond de scène s’allume, Zygel commence à improviser une ouverture. C’est un nouveau monde [pas encore] en couleurs qui s’ouvre au public. Le cinéma d’animation est à ses prémices. Quelques épisodes des Alice Comedies, courts métrages humoristiques produits dans les années 20 sont diffusés. Ils ont la particularité de comporter le personnage d’Alice en prise réelle. Les péripéties de Julius le chat sont au cœur des saynètes qui ont probablement largement inspiré les personnages de Tom et Jerry qui naitront quelques décennies plus tard. Comme dans le cinéma muet de l’époque, le film est immuable mais la musique est vivante et adaptée au gré de l’inspiration de son interprète, Jean-François Zygel. Il ne s’emploie pas à coller précisément à l’image par des effets de bruitage ou d’accompagnement strict de chaque personnage mais plonge plutôt les scènes dans une ambiance générale évoluant par l’improvisation sur des thèmes prolongés. Quelques clins d’œil sont faits au grand répertoire telles que la Lettre à Elise qui survient lorsque des souris sautent sur un piano ou encore les notes japonisantes ouvrant Alice the Whaler dans lesquelles La Mer de Debussy peut être retrouvée.
Histoire éternelle : une même passion pour la culture
Ce qui unit le plus étroitement Walt Disney et Jean-François Zygel, c’est leur passion communicative pour rendre accessible le patrimoine culturel au plus grand nombre. Disney s’employait bien sûr à faire revivre sous un nouveau jour les monuments de la littérature occidentale tels que les contes des frères Grimm et de Perrault ou la plus célèbre nouvelle de Lewis Caroll mais aussi de la musique avec Fantasia. Ce film musical élaboré avec la collaboration de Leopold Stokowski et l’orchestre de Philadelphie constituait forcément un point de rencontre incontournable entre la musique et le dessin animé pour ce concert.
L’écran s’éteint, le couvercle est réouvert et Zygel improvise sur quelques-uns des morceaux les plus emblématiques du dessin animé en particulier la Toccata en ré mineur de Bach, le Sacre du printemps de Stravinsky, la Symphonie Pastorale de Beethoven et l’Apprenti Sorcier pour finir. Ils sont augmentés de quelques ajouts tel que Dans l’antre du roi de la montagne issue de Peer Gynt. Pour terminer le concert, Zygel aborde Blanche-Neige, premier long métrage de Walt Disney avec une nouvelle improvisation sur des musiques du film : Un jour mon prince viendra, Je souhaite et l’ouverture. Quelques comptines y sont en plus ajoutées. Le public pris dans la magie applaudi le musicien-conteur. Un piano, un homme passionné et quelques très vieux films… il en faut peu pour être heureux !
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