AccueilA la UneOn est tous le... Falstaff de quelqu’un

On est tous le… Falstaff de quelqu’un

COMPTE-RENDU – Falstaff, c’est un Don Juan qui a pris du poids, bien loin des jeunes séducteurs lisses… À l’Opéra Bastille, sous la baguette nerveuse de Michael Schønwandt, on ne s’ennuie pas une seconde à travers ces trois actes de bouffonnerie où cet anti-héros Verdien se fait royalement humilier, mais toujours avec classe. Le public en redemande, surtout quand tout part en vrille et qu’il ne sait plus s’il doit pleurer ou mourir de rire.

Mais qui est Sir John Falstaff ?

Ah ! Ce vieux chevalier rondouillard, toujours à court d’argent mais jamais à court de combines. Son dernier coup de génie ? Séduire deux dames riches, Alice Ford et Meg Page, avec des lettres d’amour… identiques ! Pourquoi ? Pour leur piquer quelques sous et enfin se payer du bon vin (la piquette a tendance à accentuer le rouge de son nez). Sauf que ces dames, pas folles, flairent vite le coup. Elles s’allient pour lui donner une leçon qu’il n’oubliera pas de sitôt.

Pendant ce temps, le mari d’Alice, Ford, jaloux comme jamais, est persuadé que sa femme va tomber dans les bras de Falstaff (qui l’eût cru ?). Il s’embarque dans un plan pour le piéger aussi. Bref, c’est le chaos, et personne ne sait plus qui piège qui. Bonjour le quiproquo !

Et là, la cerise sur le gâteau : dans une grande mascarade, ils déguisent Falstaff en cerf, cornes sur la tête, pour une fausse chasse nocturne. Le pauvre court partout, ridiculisé devant tout le village. Mais à la fin, tout le monde rit, même Falstaff. Parce qu’il sait bien que la vie est une grande farce, et, malgré tout, il reste le héros de sa propre comédie. Et puis, tout bon joueur sait accepter sa défaite après tout.

Falstaff par Dominique Pitoiset (© Vincent Pontet / Opéra national de Paris)
Un décor au service de la farce

La mise en scène de Dominique Pitoiset, c’est tout sauf l’Angleterre de carte postale avec ses manoirs élégants. Ici, nous sommes dans une Windsor façon quartier industriel : des briques rouges, des graffitis et des vitrines de boutiques qui feraient pâlir les décorateurs de Noël. L’action se joue à tous les étages, et franchement, parfois on ne sait plus où donner de la tête tellement il se passe de choses en même temps. Mais bon, c’est aussi ce joyeux bazar qui nous rappelle pourquoi l’Opéra, c’est mille fois mieux qu’une séance de ciné.

Des costumes aussi sérieux que les personnages sont ridicules

Alors, parlons costumes ! Ceux-ci, conçus par Elena Rivkina​, sont d’une élégance presque exagérée pour des personnages aussi farfelus. C’est un peu comme voir un clown en smoking : un décalage volontaire et réussi. Il aurait été difficile de croire que Falstaff lui-même se serait habillé de la sorte de son plein gré… trop de bon goût pour ce bonhomme!

Décollage vocal (après quelques turbulences)

Les quinze premières minutes, on ne va pas se mentir, les chanteurs avaient un peu de mal à ajuster le volume. Un petit problème de rodage, quoi. Mais une fois ce cap passé, on a pu apprécier tout le talent de la troupe. Ambrogio Maestri, dans le rôle de Falstaff, nous a offert des graves dignes de Barry White ! Quant à Olivia Boen et Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, elles ont balancé des aigus cristallins (pour l’une) et plus ronds (pour l’autre), tout en restant impassibles face aux avances de ce gros coureur de jupons. Comme quoi, être séduisant vocalement ne suffit pas toujours !

Et puis, il y a ce duo amoureux, Fenton (Ivan Ayon-Rivas) et Nannetta (Frederica Guida), qui nous ont offert une démonstration de maîtrise du souffle à en couper le nôtre.

Le personnage de Ford, immensément riche mais terrifié à l’idée de perdre sa chère épouse, est incarné par Andrii Kymach​. Et quelle voix ! Un timbre rond, puissant, qui claque comme un avertissement à quiconque oserait s’approcher de sa douce. On pourrait dire que, vocalement il n’a rien d’un froussard.

Quant à Mrs Quickly, jouée par Marie-Nicole Lemieux, son nom ne ment pas : elle est rapide à répandre les nouvelles. Mais on ne va pas s’en plaindre, car l’entendre colporter des potins est un vrai plaisir. Sa voix, avec ses accents légèrement plus mûrs et un soupçon d’espièglerie, donne envie de l’écouter déballer les commérages pendant des heures, sans jamais s’ennuyer.

Federica Guida, Olivia Boen, Marie-Nicole Lemieux & Marie-Andrée Bouchard-Lesieur – Falstaff par Dominique Pitoiset (© Vincent Pontet / Opéra national de Paris)

Gregory Bonfatti, en docteur Caius, c’est un peu le Louis de Funès de l’opéra : il débarque, fait trois grimaces, et bam ! Côté voix, il pourrait nous régaler avec de belles notes chaleureuses, mais dans ce rôle, c’est plus farceur que ténor. Bref, on rigole bien, même si on sent qu’il en garde sous le pied !

Et on n’oublie pas Nicholas Jones (Bardolfo) et Alessio Cacciamani (Pistola), qui, avec leur jeu comique, sont un vrai régal visuel. Leur côté grossier est indispensable à l’humour de la pièce, et vocalement, c’est tout aussi savoureux (sans la partie grossière, évidemment) !

Alessio Cacciamani, Ambrogio Maestri & Nicholas Jones – Falstaff par Dominique Pitoiset (© Vincent Pontet / Opéra national de Paris)
La guitare imaginaire

Michael Schønwandt dirige l’Orchestre et les Chœurs maison avec une précision redoutable, mais toujours avec un petit air décontracté, comme s’il orchestrait un dîner entre amis. Parfois, quand ça devient plus dense, les musiciens en font un peu trop, mais c’est là tout le charme : un tumulte bien ordonné !

Et pour beaucoup un mystère reste entier : d’où vient cette guitare qu’on entend parfois ? Du gramophone sur scène ou des tréfonds de l’orchestre ? À vous de venir, deviner !

Retrouvez également le compte-rendu Ôlyrix de ce spectacle
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