À L’ECRAN – Le Metropolitan de New York diffuse ses productions dans le monde entier, dans les salles de cinéma et en streaming, comme c’était le cas ce samedi pour Les Contes d’Hoffmann, avec le ténor français Benjamin Bernheim en tête d’affiche.
New York à l’Étoile
Aller au Met, c’est pas si facile : New York n’est pas inclus dans toutes les cartes de transport en commun. Alors, pour qu’on puisse voir leurs productions, le Met vient à nous, et au reste du monde : Peter Gelb, Directeur de l’institution, annonce en introduction de la soirée que des cinémas retransmettent ces Contes d’Hoffmann en direct sur tous les fuseaux horaires de la planète. L’occasion d’avoir accès à des productions prestigieuses, près de chez soi, en étant toujours bien placé.
En effet, le dispositif de captation du Met prévoit notamment une caméra de traveling à l’avant-scène, qui filme les chanteurs au plus près et offre de beaux plans de la scène. Avant la représentation et pendant les entractes, le spectacle continue, avec des interviews des artistes (en direct, à leur descente de scène, ou via des documents pré-enregistrés, mais en anglais, sans traduction) et une caméra qui suit le travail des techniciens dans les coulisses.

Des étoiles plein les yeux
La foisonnante production de Bartlett Sher mise avant tout sur des décors (Michael Yeargan) et costumes (Catherine Zuber) soignés et permettant de créer de beaux tableaux. Les trois univers, Paris (entre cabaret et cirque), Munich (plus sobre, avec ses jeux d’ombres et de lumières) et Venise (lieu de débauche), sont bien caractérisés. Dans sa vision, la Muse (sous les traits de Nicklausse) est complice des Quatre antagonistes et participe à faire chuter Hoffmann à chacune de ses tentatives amoureuses, pour le ramener, détruit mais inspiré, à son travail de poète. Ce parti-pris est tout à fait cohérent avec le livret : il permet à ce personnage, très présent musicalement mais rarement mis en valeur dramaturgiquement, de prendre une autre dimension, plus sombre.
À retrouvez sur Ôlyrix :
- Le compte-rendu complet de la soirée
- La présentation du dispositif et du spectacle, avec le témoignage des deux "frenchies" du cast

Casting 5 étoiles
- Benjamin Bernheim (qui chantait lors de la cérémonie de clôture des JO) confirme, par son incarnation du rôle-titre, qu’il est sans conteste le ténor idéal pour le répertoire romantique français aujourd’hui. Sa diction impeccable, son timbre clair et brillant, ses aigus stellaires qu’ils soient passés en délicatesse ou en force n’ont pas vraiment d’équivalent aujourd’hui.
- Habitué des rôles démoniaques, Christian Van Horn met à profit sa stature, mais aussi la profondeur de ses graves, la richesse de ses médiums et la maîtrise de ses aigus pour camper avec noirceur les Quatre antagonistes : il n’hésite d’ailleurs pas à altérer sa voix, se rapprochant du cri, pour faire rimer « chant » avec « méchant ».
- Pour ses débuts au Met, Vasilisa Berzhanskaya trouve l’occasion en Muse/Nicklausse de montrer la qualité de son français, ainsi que sa voix à l’épais velouté sur l’ensemble de sa large tessiture.
- Erin Morley rencontre un grand succès en Olympia, personnage qu’elle a déjà beaucoup interprété et dont elle maîtrise à la fois l’incarnation scénique (cette rigidité de poupée qu’elle parvient à garder même en tombant) et l’interprétation vocale : avec sa voix fine, pure et agile, elle vocalise en détachant chaque note avec précision, jusque dans des suraigus cristallins.
- Antonia (et Stella) trouve en Pretty Yende une incarnation glamour, au français certes approximatif. Sa voix épaisse et duveteuse se nourrit d’un long souffle et d’un vibrato rond et calme.
- En Giulietta, Clémentine Margaine déploie sa voix voluptueuse et la puissance de son instrument, qui tend presque à écraser le reste du plateau.
- Aaron Blake incarne les Quatre valets avec une voix au beau (presque trop !) timbre fleuri, aux aigus resplendissants, loin du ténor de caractère souvent distribué dans ce rôle. Il joue pleinement de son pouvoir comique et parvient à faire de ces personnages parfois ingrats un beau rôle restant en mémoire.

Pour l’occasion, Marco Armiliato dirige sa 500ème représentation au Met. Il garde une constante tension dans l’interprétation, variant les cadences (par exemple en prenant un tempo bien plus rapide pour le chœur de l’épilogue que pour celui du prologue) et accentuant les nuances. Les ensembles sont bien réglés, à l’image du trio final de l’acte II ou du sextuor du III, magnifiques.
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À viser les étoiles, cette production sur écrans atteint la lune : même si l’ambiance reste froide dans la salle de cinéma (qui n’applaudit pas et marque peu de réactions), les avis sont largement positifs à la sortie, et rejoignent finalement l’enthousiasme marqué des spectateurs new-yorkais.