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Les Jeux Olympiques des Lieder de Schumann

Chers téléspectateurs, en léger différé ce soir, une retransmission de l’Amphithéâtre Olivier Messiaen de l’Opéra Bastille, où les athlètes sélectionnés parmi les poulains de l’écurie de l’Académie de l’Opéra national de Paris s’affrontent autour d’une épreuve ô combien exigeante et technique :

Les jeunes compétiteurs ont d’ailleurs choisi un titre évocateur pour intituler l’épreuve : “Liebeslieder – Chanter l’amour” … Tout un programme ! avec l’exécution de deux des opus les plus emblématiques de Robert Schumann : Spanische Liebeslieder opus 138 et Spanisches Liederspiel op. 74.

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L’avantage de cette épreuve tient à la diversité des pièces la composant : ces sportifs de haut niveau peuvent jouer en solo, mais aussi en équipe, à deux ou trois et même à quatre…

Forme (vocale) Olympique

Ces athlètes font tous partie de l’Académie, structure qui assure leur formation de grands champions opératiques de demain. Et leur entraîneuse du soir, Hedwig Fassbender, les a préparés pour cette épreuve particulière, qui consiste non pas à interpréter des rôles lyriques, en costume, de leurs belles voix puissantes, mais à se plier aux exigences du Lied et de la musique de chambre, où il est beaucoup plus question de texte, d’écoute commune et de nuances raffinées et délicates.

Representing…

C’est la soprano française d’origine irano-marocaine Sima Ouahman qui ouvre la compétition (amicale) de sa voix pétillante au médium rutilant, dotée d’une diction allemande soignée.

Sa collègue ukrainienne Sofia Anisimova la rejoint pour un duo enjoué, y mêlant sa voix ample et cuivrée, aux aigus souples et ronds, ainsi qu’une belle attention à l’articulation germanique. Petit bémol cependant, la jeune mezzo slave manque un peu d’étoffe dans les graves, utilisant trop parcimonieusement sa voix de poitrine.

Le jeune ténor chinois Liang Wei vient à son tour défendre sa médaille sur ce tatami mélodique, où il signe une intervention remarquée par sa projection sans faille, son timbre frais et ciselé et une ligne de chant ample et travaillée. Un grand aigu final par trop lyrique et débordant pourrait lui être reproché par un jury olympique sourcilleux.

C’est au tour du baryton brésilien Luis-Felipe Sousa d’entrer dans l’arène. Traçant de grandes phrases déliées de son timbre sombre et ancré, il réalise de remarquables figures en pianissimo qui font la joie du public comme agitant le drapeau auriverde. Certaines voyelles un poil trop ouvertes et une certaine brusquerie dans le fortissimo viennent assombrir sa prestation. Le jury notera cependant toute l’espièglerie qu’il met dans son duo avec son coéquipier chinois pour dépeindre l’empressement amoureux.

C’est maintenant l’heure du passage du baryton autrichien Clemens Frank, qui se lance dans la périlleuse interprétation des célèbres Liederkreis op. 24. Sa prestation tout en finesse, offrant un éventail de nuances qui semble illimité, allant du murmure fragile à l’explosion de joie la plus enivrante, lui vaudra certainement une belle place sur le podium. Certes sa nationalité lui donne l’avantage d’une compréhension et d’une prononciation organique de la langue allemande, mais il parachève le tout avec une grâce de timbre, une implication dramatique et une musicalité sans faille.

Comme toujours, les sportifs américains mettent la barre haut, et c’est le cas de la soprano Isobel Anthony, qui attaque les Spanisches Liederspiel avec une voix large et très opératique. Son ruban de legato est si ample qu’elle couvre parfois ses partenaires, et on a hâte de l’entendre dans du répertoire lyrique, notamment allemand, tant l’organe semble sur-dimensionné et la projection gigantesque pour réaliser la dentelle précise et subtile de la mélodie.

Elle réussit à réduire la voilure dans ses duos avec la mezzo-soprano bordelaise Amandine Portelli, qui elle aussi déploie un timbre riche aux résonances généreuses et à l’impact joufflu. On l’imagine déjà en Brangäne ou en Amnéris, mais elle signe ici de beaux phrasés touchants servis par une diction minutieuse.

Enfin, le ténor américano-norvégien Bergsvein Toverud franchit lui aussi la ligne d’arrivée avec élégance et classe, de son timbre lyrique chatoyant, au legato soyeux et aux aigus brillants, bien que toujours rigoureusement ancrés.

N’oublions pas que ces athlètes sont accompagnés par les pianistes eux aussi membres de l’Académie : Robin le BervetAntoine Dutaillis et Moeka Ueno démontrent ici leurs qualités de chef de chant et d’accompagnateurs scrupuleux, inventifs, aux propositions musicales audacieuses et qui ne sont jamais avares en nuances détaillées.

La soprano toulousaine Lisa Chaïb-Auriol étant annoncée souffrante, le public est hélas privé de la découverte de mélodies d’Emilie Mayer, une compositrice allemande (que joue néanmoins ce soir un quatuor à cordes) contemporaine de Schumann.

Le Sport, tout un Art ; L’Art, tout un Sport

Le public, enthousiasmé par tant de voix prometteuses et déjà aguerries, réserve un accueil chaleureux et prolongé à tous les athlètes et à leur coach Hedwig Fassbender.

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