AccueilA la UneUlysse, errant et triomphant à Ravenne

Ulysse, errant et triomphant à Ravenne

COMPTE-RENDU – Héros intemporel et fragile, Ulysse refait une nouvelle fois son éternel retour, au Festival d’Automne de Ravenne avec l’opéra de Monteverdi, dans une mise en scène épurée de Pier Luigi Pizzi avec une distribution de haut vol.

Au Théâtre Alighieri, la Trilogie d’automne du Festival de Ravenne débute avec Il ritorno di Ulisse in patria de Monteverdi, dans une production signée Pier Luigi Pizzi. Loin de tout folklore, la mise en scène propose un décor minimaliste : un espace immaculé, dominé par un mur aux grandes portes, qui s’ouvre sur une île solitaire tout aussi modestement arborée. Les lumières d’Oscar Frosio peignent subtilement les intensités et couleurs du drame, tandis que les costumes mêlent les époques, de l’antiquité aux fraises de la cour d’Espagne, offrant une intemporalité symbolique. Noir, blanc, rouge ou violet : les teintes semblent évoquer pureté, humanité, passion ou sagesse divine.

Le Retour d’Ulysse dans sa patrie par Pier Luigi Pizzi (© Zani Casadio)
Ulysse, Pénélope et leurs alliés

Le baryton Mauro Borgioni incarne un Ulysse puissant et nuancé. Sa diction impeccable et son timbre chaleureux donnent corps à ce héros aussi fragile qu’inébranlable. Delphine Galou est une Pénélope touchante mais légèrement inégale, notamment dans la première partie où un diapason un peu haut la détache de l’orchestre. Elle gagne cependant en profondeur dramatique, portée par son timbre sombre et sa présence scénique.

Valerio Contaldo (Télémaque) impressionne par la sincérité et la virilité sensible de son chant, surtout lors de la scène émouvante des retrouvailles père-fils. Charlotte Bowden (Mélantho) et Žiga Čopi (Eurymaque) forment un duo séduisant, à la fois scéniquement et vocalement. La première charme par ses vocalises pleines d’impertinence, le second par sa légèreté affirmée.  

Dieux et Prochides en couleur

Parmi les dieux, Arianna Vendittelli brille en Minerve, alliant fermeté et douceur, tandis que Gianluca Margheri (Jupiter et le Temps) impose une autorité lumineuse et nuancée. Candida Guida (Junon) surprend par une couleur métallique voilée, marquant un contraste avec ses pairs.

Les Prochides, prétendants ridiculisés, apportent une touche de comédie savoureuse. Danilo Pastore (Pisandre) et Jorge Navarro Colorado (Amphinome) s’amusent dans des gestuelles maniérées. Robert Burt (Iro) excelle dans un comique vocalement maîtrisé et théâtralement hilarant.

L’émotion en fosse

Sous la direction caressante d’Ottavio Dantone, l’Accademia Bizantina déploie des couleurs superbes, se montrant tour à tour énergique et discrète. Dantone, dirigeant souvent depuis le clavecin, insuffle une appréciable souplesse à l’ensemble.

À Lire également, Ottavio Dantone et Delphine Galou : « A chaque fois, Vivaldi est une surprise, une révélation »

Les musiciens accompagnent avec précision une distribution vocale globalement homogène, où se distinguent encore Federico Domenico Eraldo Sacchi (Neptune et Antinoüs) par sa voix sombre et autoritaire, et Margherita Maria Sala (Euryclée) par la douceur maternelle de son timbre.

Un triomphe intemporel

Le public, conquis, réserve une chaleureuse ovation à l’ensemble des artistes. Cette production, d’une sobriété éloquente, transcende l’histoire d’Ulysse pour toucher aux errances et espoirs universels. Un succès qui, par la complicité de Pier Luigi Pizzi, fait de Monteverdi un témoin éternel de la fragilité et de la grandeur Humaines.

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