CINÉ-CONCERT – Bozar renouvelle pour 2025 le format à succès des ciné-concerts avec une approche symphonique consacrée à l’univers de Charlie Chaplin : « With a Smile ».
Véritable immersion dans la magie de Chaplin, ce concert-nostalgie produit par l’Europäische Filmphilharmonie met en lumière un medley d’images et de musiques issues des films du cinéaste, sublimées par les arrangements inédits signés Timothy Brock et Stefan Behrisch, portés en musique par Dirk Brossé à la tête de l’ONB- Orchestre National de Belgique.
« If you smile through your fear and sorrow
Smile, Musique de Charles Chaplin, paroles de John Turner and Geoffrey Parsons
Smile and maybe tomorrow
You’ll see the sun come shining through
for you »
Grande musique, du bout des lèvres
Au programme donc, une invitation à l’exploration de l’univers et du rythme en intimité de Charlot, loin d’un simple récit biographique ou d’un documentaire musical. Le concert est pensé comme un regard multiple sur les différentes facettes du cinéaste à travers une sélection d’extraits, des séquences-clés de ses films et des images d’archives rejoignent les couleurs des partitions de Brahms, Wagner et Léo Daniderff.

À mi-chemin entre le monde de l’image et celui d’une musique qui illustre la sonorité du cinéma-muet, le concert restitue ainsi la petite musique nostalgique et la grande musique de l’image. L’inspiration du cœur et la voix du passé. Impossible de se demander si le public va aimer ou pas, la question sera : saurez-vous retenir vos larmes et ne pas tremper vos chemise à l’eau salée ?
En réponse à cette question, Charlie Chaplin aurait trouvé son bonheur avec la météo pluvieuse de Belgique : « J’ai toujours aimé me promener sous la pluie, pour que personne ne voie mes larmes”
Chaplin, le muet et la musique
Bien qu’il ne sache ni écrire ni orchestrer ses compositions, Chaplin joue du violon et du piano, esquissant des mélodies qu’il confie ensuite à des compositeurs professionnels pour les arrangements. À l’époque du cinéma muet, la musique est omniprésente : d’abord improvisée par des pianistes pour masquer le bruit des projecteurs, elle évolue vers le narratif. Avec l’apparition des cue sheets (partitions synchronisées aux images), les salles de cinéma adoptent une musique plus structurée, les rythmes imitants les sons ambiants et un renforcement des effets (parfois cartoonesques, évitant tout de même les mickeymousing signés Disney, reconnaisable pour leur bruitage très littéral des scènes).
Chaplin exerce néanmoins un contrôle absolu sur la musique de ses films, considérant chaque note comme une partie intégrante de son langage cinématographique. Il en ressort une vingtaine d’airs, pour près de 15 heures de musique !
Parmi celles-ci, « Smile », issue du film Les Temps modernes (1936), est particulièrement emblématique. Chaplin a composé la mélodie, et des paroles ont été ajoutées ultérieurement par John Turner et Geoffrey Parsons. Cette chanson a été popularisée par Nat King Cole en 1954 et demeure l’une des compositions les plus célèbres de Chaplin.
Laugh, Clown, Cry (rire, moquer, pleurer)
La production de l’Europäische Filmphilharmonie (orchestrée par Fernando Carmena) se distingue par son approche extra-émotionnelle de l’œuvre de Chaplin. Plus qu’un simple hommage, ce spectacle propose un condensé d’anecdotes et des meilleures scènes, à la source de la légende du cinéaste.
Lorsqu’on ferme les yeux à la veille de la mort, la vie défile. Peut-être que ce programme est un fragment de ce que Chaplin a entrevu dans ses derniers instants. D’un bout à l’autre, le public oscille entre rires et émotions, captivant même les plus jeunes spectateurs. Ce samedi après-midi, de nombreuses familles se sont rassemblées pour redécouvrir l’héritage intemporel de Chaplin.

Le spectacle plonge l’audience dans l’univers poignant de The Kid, où un enfant adopté est arraché à Chaplin avant d’être sauvé in extremis par son père de cœur. Puis, place à The Circus, où Chaplin vacille, suspendu à un fil, incarnant avec grâce et maladresse la lutte absurde de l’homme face à l’imprévu. Enfin, la frénésie de Modern Times explose dans un tourbillon burlesque : écrasé par la machine, Chaplin en révolté candide dérègle les rouages… et jusqu’aux boutons des robes féminines, dans une satire aussi grinçante qu’hilarante du monde industriel.
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Entre deux éclats de rire, les enfants demandent : « Il fait quoi, le monsieur ? » – et les parents, un brin émus, s’improvisent historiens du burlesque. Le clou du spectacle ? Un extrait du Dictateur, porté par le prélude de Lohengrin, dernier éclat d’un hommage vibrant à un génie qui continue de faire rire… et réfléchir.

