Corps en éruption à la Villette

DANSE – La grande Halle de La Villette bruisse d’une fièvre collective en ce début de mois de mai. Au programme : Static Shot de Maud Le Pladec et a Folia de Marco da Silva Ferreira, par le CCN Ballet de Lorraine. Deux pièces en dialogue sur l’extase du groupe. En sortant, on a l’impression d’avoir dansé nous aussi : on sent encore la pulsation de ces corps en liesse tout autour de nous.

Sur le plateau transformé en rampe de défilé, les 24 danseurs de Maud Le Pladec avancent comme une vague multicolore.

Un Shot : Fixe et Fonce.

La chorégraphe conçoit Static Shot comme un dispositif : la pièce s’organise comme un flux continu de corps, d’images et de sons, sans structure narrative classique. Le spectacle maintient un climax constant, l’impression que chaque danseur porte l’obligation d’un souffle continu. On sent l’adrénaline circuler comme un fluide électrique entre les interprètes : torses cambrés, têtes lancées en arrière, et bras qui fleurissent dans l’espace. Ce feu d’artifice repose sur la musique électro de DJ Chloé et Pete Harden. Les pulsations à 120 battements par minute traversent les corps.

© Laurent Philippe

Sur scène, les danseurs s’enchaînent dans une succession de lignes qui se croisent et se recroisent sans fin : une véritable géométrie vivante. On se croirait  au Café Müller de Pina Bausch : les trajectoires, les lignes et les formes fusionnent pour créer une chimie en constante évolution. Mais au-delà de cette rigueur, il y a aussi une danse plus intime où des regards se croisent et des yeux se connectent. Un échange d’énergie palpable entre danseurs qui s’élargit au public. Les yeux des spectateurs deviennent une part de cette danse.

La gestuelle puise volontiers dans la club culture et la danse urbaine. On distingue l’élégance raide du waacking et du voguing : poignets cassés et regards défiants offrent l’espace d’un gigantesque ballroom. On croirait voir un concours de style où chaque danseur cherche à se démarquer par sa virtuosité. Chaque jeté ou torsion brutale sonne comme un pari de plus dans cette débauche chorégraphique. Le streetwear et le bling-bling explosent sur scène : tenues pailletées, baskets crissants, perruques poudrées et masques clinquants. 

© Laurent Philippe

Maud Le Pladec nous offre un ballet d’extase et de jouissance. Le public retient son souffle, soulevé par le même rythme que les danseurs. Un crescendo addictif qui finit en apothéose. 

a Folia :  rave au village

La deuxième pièce prolonge la première, toujours portée par la force du groupe, mais avec une énergie plus instinctive. a Folia s’inspire d’une vieille fête paysanne portugaise : au XVe siècle, les bergers dansaient pour se libérer des règles, dans une sorte de joie débridée. Marco da Silva Ferreira en garde l’essentiel : une danse collective, joyeuse et un peu sauvage.

Les corps se mêlent, se portent, explosent parfois en rires. On pense à une transe. Par moments, ils sautent en cercle et tournent violemment. On devine un état second, quelque chose de l’abandon. Le chorégraphe fait le lien entre ces fêtes anciennes et les clubs d’aujourd’hui. Les silhouettes rappellent autant les cortèges folkloriques que les habitués d’un dance-floor berlinois.

Le style est plus heurté, plus tortueux que dans Static Shot. Mais l’élan reste le même : danser à plusieurs, pour sentir se plus fort. Petit à petit, tout s’accélère : les groupes se forment et se déforment, la musique monte, les corps débordent.

Chœur de spectateurs

Deux pièces, deux esthétiques, mais un même souffle communautaire. Les deux chorégraphes soulignent combien la tension et la pulsation naissent du groupe plus encore que de l’individu. Dans Static Shot, les corps sont rivés à leur apogée commune, nous embarquant dans leur élan comme s’ils tendaient la main aux spectateurs. Dans a Folia, ce qui faisait sens était ce lâcher-prise collectif, cette transe retrouvée comme dans les rites centenaires. 

À lire également : Café Müller à la Villette : Violence répétée

Une dame descend du haut de la scène pour être au plus près de la danse. Elle a le regard étincelant. On l’observe s’installer et reprendre son souffle. Elle est rayonnante, convaincue d’avoir elle aussi participé comme nous à cette trans, dont nous garderons, c’est certains un très bon souvenir. 

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