OPÉRA – Approchez, approchez mesdames et messieurs, petits et grands ! Venez découvrir la nouvelle production de La Flûte Enchantée à l’Opéra de Rennes : mise en scène de Mathieu Bauer, où la magie du conte initiatique laisse place aux lumières de la fête foraine.
Vous êtes-vous déjà demandé ce qu’il advient la nuit, dans une fête foraine, quand le public est parti et que les manèges s’arrêtent de tourner ?
Foraine (de la nuit)
C’est ce que Tamino va découvrir, à ses dépens, lui qui se retrouve (visiblement) enfermé derrière les grilles. Il y croisera Zarastro en Monsieur Loyal, Papageno en sculpteur de ballons, les prêtres en agents de sécurité, l’esclave Monostatos en mécano. Les Trois Dames abattent le serpent géant à coup de fléchettes à ventouse et de carabines à air comprimé. Quant à la Reine de la Nuit, la voici en cow-girl, colt à la ceinture. Un lien avec les motifs concentriques, en forme de cible, sur la robe de Pamina ?

L’intention du metteur en scène fait mouche. Pas besoin de tout comprendre, ni de tout apercevoir tant la production fourmille de détails. Le dispositif scénique reste le même d’un bout à l’autre de la pièce : cages d’escalier et échafaudages permettent d’investir verticalement l’espace. Le décor tourne et se renouvelle sans cesse, découvrant tantôt un stand de confiseries, l’entrée d’un train fantôme ou des balançoires. Tout concourt à convoquer le merveilleux, avec une douce nostalgie de l’enfance, façon barbe à papa.
Musique : tournez manège !
Il y avait vingt-cinq ans, mesdames et messieurs : vingt-cinq longues années que La Flûte Enchantée n’avait pas été montée à l’Opéra de Rennes. Laissez-vous charmer par la facétie de Mathieu Bauer, alliée à la direction entraînante du chef Nicolas Ellis à la tête de l’Orchestre National de Bretagne. Laissez-vous toucher par la précision du Chœur de chambre Mélisme(s). Enfin, laissez-vous éblouir par un plateau vocal de haute volée !
- En Tamino, Maximilian Meyer : ténor vigoureux, à la voix de poitrine au médium riche et à l’aigu puissant.
- En Pamina, pour la première fois de sa carrière : la soprano Elsa Benoît, au timbre coloré, déployé sur de longs phrasés émouvants. Très investie dans son personnage.
- En Papageno : le baryton Damien Pass est une bête de scène (et pas de foire) rayonnante, et sa voix douce et vibrée. Pas étonnant qu’il gagne le cœur de Papagena (Amandine Ammirati), au timbre velouté tirant sur le mezzo-soprano, dans un duo sehr heiß (pour ne pas dire muy caliente).

- En Zarastro, Nathanaël Tavernier se montre à son aise en maître de cérémonie, introduisant l’opéra par un monologue parlé. Sa voix de basse est onctueuse et sombre comme du caramel.
- Florie Valiquette, souffrante, a laissé sa place à Lila Duffy dans le rôle de la Reine de la Nuit, dont elle s’acquitte habilement, décochant avec précisions les vocalises suraigües. Investie dans son jeu, elle semble cependant plus éplorée que vindicative.
- La voix sonore d’Élodie Hache (première dame) cimente le trio des trois dames, avec Pauline Sikirdji et Laura Jarrell, bien en harmonie, tout comme les deux prêtres, Thomas Coisnon et Paco Garcia. Le premier forme avec Papageno un duo comique attachant dans leurs dialogues au second acte. Il entonne aussi la partie de l’Orateur, avec une voix de baryton-basse assez légère et lumineuse.
- Les trois Garçons, ici incarnés par des élèves de la maîtrise en alternance d’un soir sur l’autre, sont également bien en voix.
- Benoît Rameau fait montre d’une voix claire et d’un débit de parole précis sur l’air de Monostatos. Sa voix ressort agréablement dans le chœur des esclaves, repris avec la complicité du public (car oui : le spectacle abat volontiers le quatrième mur).

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Le public ressort enchanté de cette fête foraine, qui après son passage à Rennes, installera ses caravanes à Nantes et Angers dans le mois à venir.

