AccueilA la UneFazil Say à Gstaad : Mister resident

Fazil Say à Gstaad : Mister resident

FESTIVAL – Parmi une myriade de stars venues prendre part à l’édition 2025 du Gstaad Menuhin Festival, au pied des montagnes suisses, le pianiste Fazıl Say, artiste en résidence, vient interpréter un riche programme, Résidentiel, évidemment.

« Moi, résident ». Lui, artiste en résidence du Gstaad Menuhin Festival, repaire estival de noms parmi les plus grands de la scène lyrique et instrumentale ? Fazil Say s’en donnerait à cœur joie, bien sûr. Et il ne s’en prive donc pas, le pianiste et compositeur turc, pour ce millésime 2025. Le voici ainsi à l’affiche non pas d’un, mais bien de trois concerts : l’un où il a carte blanche (l’occasion de réunir Mozart et Beethoven), un deuxième dédié aux musiques du Bosphore (durement travaillées, of course), et un dernier donnant à entendre deux de ses œuvres, dont une grande création mondiale. Rien que ça !

« Moi, résident ». Lui, artiste en résidence, Fazil Say donne donc dans la générosité, et dans la créativité. En convoquant des instrumentistes de talent dans l’imposante église du village de Saanen, à commencer par la contrebassiste espagnole Uxía Martinez Botana, venue interpréter une Sonate signée… mister Say himself. L’occasion non seulement d’entendre une contrebasse en solo (une rareté), mais aussi de découvrir plus qu’une instrumentiste. Car l’Espagnole ne joue pas : elle fait corps avec son instrument, l’étreint amoureusement, danse avec lui, et en extrait surtout un épatant panel de sonorités. À l’archet d’abord, avec des notes susurrées, d’autres bien plus graves et sonores, façon pas d’éléphants, dans cette œuvre qui, comme son nom l’indique (« Nightwalk »), suggère une marche presque erratique dans un sombre environnement. Et puis il y a ces pizzicati, ici secs et soudains, là bien plus légers et aériens, qui eux aussi décrivent comme une ambiance insécurisante et sauvage, où le danger guette au bout de la rue. Mais avec une telle interprète, le public, lui, ne se sent point menacé, sinon profondément charmé par une telle qualité d’interprétation.

Du Say, pas si Fazil à jouer

« Moi, résident ». Lui, artiste phare de cette 69ème édition du « Menuhin » (comme l’on dit par ici), Fazil Say trouve donc aussi l’occasion de faire entendre l’une de ses dernières créations. Une commande spéciale, en l’espèce, d’un Festival dont l’un des thèmes est cette année « l’exil ». Alors il faut dire la violence, la cruauté, la peine, ce que parvient à faire cet artiste-compositeur pour qui les sons font pleinement sens.

« Moi, résident ». Lui, résident, Fazil Say dépeint ainsi, en une dizaine de minutes, un genre de voyage par-dessus des mers agitées, dont l’issue serait connue d’avance, c’est-à-dire funeste. Plus qu’une composition, c’est ainsi un message universel que délivre un compositeur qui peut compter sur des porte-parole aux multiples nationalités (comme le symbole d’une problématique sans frontières) : sa compatriote Öykü Canpolat à l’alto, la Sud-coréenne Bomsori Kim au violon, la Russe Anastasia Kobekina au violoncelle, et toujours Uxía Martinez Botana à la basse. Un quintette de choc pour interpréter une œuvre à la rythmique tourmentée, aux crescendos aussi effervescents que les diminuendos sont brutaux, avec pour couronner le tout des sonorités presque apocalyptiques. Souvent, d’ailleurs, ce n’est pas que les instruments jouent : non, ils claquent, ils grondent, ils crient. Ainsi de ce violoncelle prenant des atours sonores de duduk ou de ney, des instruments orientaux typiques, quand les cordes du piano, elles, sont directement frottées sur la table, derrière le clavier. Il y a enfin, au violon et au violoncelle, ces coups d’archets comme frénétiques, venant violemment frapper la touche de l’instrument, non sans voir au passage quelques crins voler. Ainsi est donc l’exil vu par Fazil Say : brutal, tempétueux, terrifiant. Et propre, surtout, à ne pas laisser indifférent…

© Raphaël Faux

« Moi, résident ». Mais lui, résident, Fazil Say veut surtout en revenir à la musique. Alors voici qu’arrive Schubert et son fameux Quintette de la Truite, manière de conclure le concert en des notes plus mélodieuses et moins enfiévrées (encore que). Là, pour sortir de ces eaux troubles, et après trois premiers mouvements interprétés par des musiciens en symbiose, le public veut surtout savourer un Andantino dont le charme est inusable.

À Lire également : L’appel de Londres au Gstaad Menuhin Festival & Academy

« Moi, résident ». Lui, artiste en résidence, Fazil Say est donc un instrumentiste et compositeur qui sait parler à son public, proposant tout à la fois des musiques contemporaines, une création inédite, et un chef d’œuvre du romantisme. À voir les applaudissements nourris du public venant couronner le concert, ce résident-là, ainsi que ses compères, emportent tous les suffrages.

© Raphaël Faux
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