CONCERT – L’Orchestre national d’Auvergne, devenu Orchestre national Auvergne Rhône-Alpes il y a deux ans, lance sa saison avec un programme particulièrement hétéroclite, du baroque jusqu’aux prémices du romantisme. Et pour leur rentrée, sur la scène de l’opéra-théâtre de Clermont-Ferrand, les musiciens et leur chef se montrent déjà en archi-forme.
Architectes d’une certaine idée de l’excellence. Voici ce que sont, depuis plus de quarante ans, les musiciens qui se succèdent aux pupitres de l’Orchestre national d’Auvergne, un ensemble à cordes désormais élargi à des horizons rhônalpins mais dont les membres restent unis par une même identité : celle d’un jeu qui sonne juste et mélodieux, et d’une osmose sonore à toute épreuve. Et ce grand concert de rentrée de leur saison 25-26 en est une preuve éclatante.
Team Rameau
Archi-collectifs, il faut l’être, en effet, pour jouer d’abord avec une telle maestria ces pages des Indes Galantes de Jean-Philippe Rameau, masterpiece du baroque s’il en est, dont sont ici jouées quelques très délectables Suites d’orchestre. Ainsi de ce Prologue, où les cordes sont d’emblée en parfaite fusion avec ces renforts de luxe que sont ces flûtes, hautbois, bassons et autres cuivres dont toute interprétation de musique baroque ne saurait se passer (imagine-t-on Verdi sans chanteurs ?). Tout en majesté, les vents répondant aux cordes, et vice-versa, voici donc la musique avancer, façon grand bal royal, pour arriver, après une Adoration du soleil bien plus en retenue, à une Danse du calumet de la paix à la rythmique réglée façon coucou suisse.
Le clavecin, les violons, les violoncelles, et bientôt les vents soutenus par les timbales : tout le monde en vient à reprendre l’entêtant refrain, en une parfaite symbiose coordonnée à l’estrade par un chef, Enrico Onofri, qui réalise ce geste que tout le monde retient tant bien que mal dans le public : taper du pied, pour battre la mesure, mais surtout pour avoir l’impression de danser, fut-ce timidement, sur cette musique comme un envoûtement qui culmine ensuite en une triomphale Chaconne.
Luigi dans le game
Archi-endurants, il faut l’être, ensuite, pour enchaîner cette partition déjà si exigeante de Rameau avec une autre œuvre d’un genre énergivore, la Symphonie n°26 de Luigi Boccherini. Lequel n’est donc pas qu’un tortionnaire pour apprentis-violoncellistes (avec ses impitoyables sonates qui en ont traumatisé plus d’un au conservatoire), mais aussi un brillant compositeur de musique pour tutti. La preuve avec cette partition dont le tempo plein d’allant a de quoi emballer d’emblée, surtout tel que servi ici par des musiciens ne comptant pas leurs efforts dans la multiplication et la longueur des coups d’archets, chaque pupitre de cordes prenant soin d’écouter son voisin pour demeurer dans un parfait équilibre sonore.

Jusqu’au finale, tout n’est ainsi que quête du son non le plus puissant, mais le plus expressif, chaque nuance était pareillement travaillée d’un bout à l’autre de l’orchestre, où se remarque particulièrement la manière de chaque chef d’attaque de signaler avec dynamisme chaque début de phrase, diffusant de la sorte une énergie dont les ondes jamais ne quittent la scène.
Brève de concert
Archi-énergiques, il faut l’être, également, pour jouer, après une première partie de programme déjà fort éreintante, une œuvre rarement entendue à vrai dire : l’Ouverture en ut majeur de Fanny Mendelssohn (la sœur de qui l’on devine). Une partition d’abord très solennelle, apaisée, dont l’orchestre restitue joliment l’essence poétique, sur le fil d’une nuance piano comme une douce bise. Puis vient le crescendo, amorcé par des violons soudains bien plus enfiévrés, et par des vents bien plus incisifs, qui déroulent jusqu’au bout un récit musical décrivant tout à la fois la joie, la passion, et puis finalement l’exaltation. À en regretter que la pièce ne dure qu’une dizaine de minutes !
Archi-expressive, en tout cas, que cette phalange auvergnate, qui a encore tout l’élan nécessaire pour aborder la dernière pièce du menu du jour, et pas n’importe laquelle : la Symphonie italienne de Felix Mendelssohn (le frère de qui l’on sait). Une œuvre dont le si fameux thème initial est ici porté par un forte des plus bouillonnants, avec aux cordes un staccato disant tout, déjà, du caractère conquérant d’une partition pensée comme un ode à cette terre nouvellement découverte que serait l’Italie. Et en effet, l’on devine d’abord le feu de l’Etna, la chaleur de la Calabre, avant que les deuxièmes et troisièmes mouvements ne fassent place à des déambulations plus champêtres au rythme des pas dictés par les cors et trompettes naturelles.
Puis vient le grand final, ce Presto éruptif comme le Vésuve, porté ici par une ardeur et un punch de tous les instants, avec ces croches et coups d’archets frénétiques aux cordes, ces bois venant ramener tout le monde à la raison, avant le grand déferlement sonore d’un tutti final soutenu par des timbales plus tonitruantes que jamais. Soutenu, aussi, par un chef bougeant les mains à la manière d’un fleurettiste lançant l’assaut, et les jambes à la façon d’un toréador esquivant la bête. Une généreuse gestuelle, non sans impact immédiat sur une phalange d’un genre bien discipliné.
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Archi-comble, la salle ne peut qu’applaudir une telle performance, qui lance sur des bases élevées la saison d’un l’orchestre une nouvelle fois fidèle à ses valeurs d’excellence.
Demandez le programme !
- J.P Rameau – Les Indes Galantes – Suite d’orchestre
- L. Boccherini – Symphonie n°26 en do mineur
- Fanny Mendelssohn-Hensel – Ouverture en ut majeur
- Felix Mendelssohn – Symphonie n°4 en la majeur, dite « Italienne »

