CONCERT – Elisabeth Leonskaja se présente à l’Auditorium de Dijon ce jeudi 2 octobre. Au programme : son éternel Schubert, et deux œuvres de compositrices russes.
En robe noire à paillettes dorées, véritable allure de diva, Elisabeth Leonskaja arrive ponctuelle, s’installe au piano et se lance sans attendre. À 79 ans, la pianiste autrichienne d’origine géorgienne sait exactement ce qu’elle est venue faire ici : elle ne décevra pas un seul spectateur de la salle. Le compositeur qui domine le programme n’est autre que Schubert, choix naturel et parfait pour son art de l’interprétation. Mais l’actualité n’est pas oubliée : deux compositrices contemporaines s’invitent au programme : Elena Firsova avec son Elegy et Julia Riabova avec ses Bagatelles, cette dernière étant même présente dans la salle.
Schubert : le retour du Jedi
Les trois Klavierstücke, D. 946, ouvrent le bal. Leonskaja, avec une précision implacable et sans montrer le moindre signe, se concentre uniquement sur la quête musicale. Son langage corporel se met au service de l’interprétation. Cette concentration absolue restera le fil conducteur de toute la soirée : pas d’effets, pas d’esbroufe, juste une écoute totale de la musique, dans une sobriété éloquente.
Le programme, initialement conçu pour une première partie exclusivement schubertienne et une seconde dédiée aux compositrices, connaît finalement un changement de dernière minute : chaque pièce de Schubert dialogue désormais avec une œuvre contemporaine, le tout encadré par Schubert au début et à la fin. Un sandwich peut-être un peu abrupt, mais efficace.
Leonska-Yoda
Avec la Wanderer-Fantasie, on comprend à nouveau que Leonskaja ne joue pas la musique : elle la vit, elle l’incarne. Elle connaît chaque note, chaque incision, chaque nuance, chaque silence. Mais surtout, elle garde une maîtrise du temps et du souffle que seule son immense expérience rend possible : une précision presque magique. Sa tranquillité, son humilité et sa simplicité frappent : ici, pas question de se hisser sur un piédestal, mais bien seulement de transmettre la magie de la musique. Une véritable maîtresse du piano.
Les œuvres des compositrices apportent de précieux contrastes, comme des parenthèses contemplatives. Leonskaja et le public y trouvent un espace pour quitter l’intensité des cadences schubertiennes et plonger dans un univers plus brut, rude, aux contours moins prévisibles. Ces respirations offrent au programme un équilibre singulier et bienvenu.
Être au présent
Quand revient Schubert en conclusion, le silence de la salle est total. Pas un souffle, pas une toux : Leonskaja semble jouer seule dans l’espace, en communion avec la musique. La Sonate en si bémol majeur, D. 960, avec ses quatre mouvements, s’installe dans cette même approche : une intimité profonde, une architecture limpide, une intensité servie avec clarté et franchise. Les mélodies de Schubert sont offertes au public comme sur un plateau d’argent, sans fioritures, avec la certitude d’une artiste qui sait exactement ce qu’elle doit faire et pourquoi elle est là.
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La fin arrive inévitablement, mais l’émotion est palpable. Le public se lève, applaudit sans relâche, et Leonskaja reçoit un grand bouquet de fleurs avant d’offrir un bis schubertien : le deuxième Impromptu en la majeur, Op. 142, D. 935. Ultime cadeau qui résume l’esprit de la soirée, il vient clore le concert avant que la pianiste ne remercie le public rapidement et quitte la scène définitivement.
Demandez le programme !
- F. Schubert – 3 Klavierstücke, D. 946
- J. Riabova – Bagatelles
- F. Schubert – Wanderer Fantasie
- E. Firsova – Elegy
- F. Schubert – Sonate pour piano en si bémol majeur, D. 960

