Aïda à Bastille : des boîtes

OPÉRA – Après du grand Puccini avec La Bohème sur la Lune, voilà du grand Verdi, avec cette Aïda mise en boîte par Shirin Neshat. Et d’un coup, on redescend sur Terre… À la baguette, Michele Mariotti.

Déjà vue à Salzbourg en 2022, la mise en scène de Shirin Neshat ne nous avait laissé aucun souvenir impérissable. Sans surprise, l’œil éprouve le même ennui colossal qu’il y a deux ans.

Boîte à savons

Un dispositif enferme ou exclut les personnages d’une boîte blanche. Celle-ci, montée sur une tournette, sert d’écran de projection à des vidéos qui présentent une forme de rituel dont on peine à saisir le sens et le rapport au livret. Certes, les images sont belles (la mer déferlant sur des plages vides, un désert) mais elles ne font que cocher les cases du dictionnaire des idées reçues sur la mise en scène. Sans prétendre à la nouveauté (on se rappelle des charniers d’Olivier Py sur cette même scène), la mise en scène entend donner à voir le point de vue des vaincus, malheureusement il ne s’incarne pas autrement que par des images sans direction d’acteurs. Comme souvent dans ces cas-là, le spectacle n’ôte rien à l’œuvre sans rien lui apporter.

À lire également : le Compte-rendu de la première à l'Opéra Bastille, sur Ôlyrix
© Bernd Uhlig

Boîte à musique

Heureusement il y a dans la fosse Michele Mariotti qui livre une lecture attentive et détaillée de la partition de Verdi, rappelant à quel point le compositeur a élaboré son art de l’orchestration au cours du temps. Les couleurs sont délicates, le discours tenu, en soutien des chanteurs, un brin d’envolée narrative n’aurait pas été de trop mais on tient déjà du grand art. Quand la musique est bonne…

© Bernd Uhlig

Boîte vocale

Sur scène la distribution est homogène dans la qualité de chant – diction, conduite de la ligne, phrasé – quand la qualité des voix est plus disparate.

Gregory Kunde n’a plus l’âge du rôle et la voix n’est plus ce qu’elle était, mais sans tricher il compose encore un personnage, varie le caractère et assure la ligne impeccablement.
Ewa Plonka propose une prestation de grande tenue à défaut de tempérament. Le texte est précis, la voix homogène sur toute la tessiture, les dynamiques subtiles.

© Bernd Uhlig

Plus jeune fille que princesse, son personnage ne manque toutefois pas d’intérêt. Judit Kutasi a la voix d’Amnéris – ce qui est déjà beaucoup – sans avoir un timbre singulier, elle maîtrise parfaitement son instrument et compose un personnage nuancé, passant de la rage à la ruse sans couture.

Saluons au passage le Ramfis probe d’Alexander Köpeczi, belle voix de basse bien menée pour le grand prêtre, ainsi que le roi bien chantant de l’autre basse Krzysztof Baczyk.

© Bernd Uhlig

Enfin, Roman Burdenko n’a qu’à apparaître sur scène pour comprendre ce qu’est la catégorie supérieure : la voix est certes abîmée, mais le personnage, son autoritarisme, ses angoisses, sa vulnérabilité saisissent, et son chant ciselé demeure un exemple.

À lire également : Aïda en direct du Met : l’Égypte au logis

Si cette nouvelle production n’apporte donc rien en matière scénique, elle comporte en revanche un double enseignement musical : ce genre de prestation de bonne tenue devrait être le minimum en deçà duquel l’Opéra ne devrait jamais descendre, car il suffit amplement pour assurer une bonne soirée lyrique. 

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