OPÉRA – Le Grand Théâtre de Genève inaugure sa saison 2025-2026 avec le célèbre drame lyrique de Claude Debussy, Pelléas et Mélisande, dans une version spatiale mise en scène par Damien Jalet et Sidi Larbi Cherkaoui, et dirigée par le chef d’orchestre Juraj Valčuha.
BIENVENUE À BORD !
Nous ne sommes qu’une poignée de chanceux à avoir été conviés à ce voyage qui, sans doute, nous marquera à vie. Les experts du Grand Théâtre de Genève (désormais transformé en spatioport) préparent depuis plusieurs années cette expédition inédite. Nos guides, Damien Jalet et Sidi Larbi Cherkaoui, nous accueillent à bord de la fusée « Allemonde ». L’objet de notre voyage est pour le moins singulier : on parle depuis peu d’un astre non identifié et bien mystérieux, que les chercheurs ont baptisé « Mélisande ». Un phénomène gravitationnel qui, paraît-il, a déjà fait tourner plus d’une planète sur son axe…
Nous prenons place dans la capsule, priés de nous attacher, car le décollage nous plongera dans le grand bain de l’inconnu. Quelques secondes suffisent pour quitter la Terre et, avec elle, toute notion humaine. L’obscurité s’épaissit ; le silence devient presque assourdissant. Il n’y a bientôt plus de chaleur humaine. Soudain, devant le hublot central, une vue époustouflante se dévoile : étoiles inconnues, poussières d’astéroïdes et fragments de cristaux dérivent lentement, formant des constellations tantôt étincelantes, tantôt à peine perceptibles, comme un clin d’œil du cosmos.
En apesanteur, les nombreuses particules célestes (le Ballet du Grand Théâtre de Genève) dessinent des spirales de lumière, laissant derrière elles une traînée de poussière scintillante, visible à l’œil nu. Dans ce calme presque oppressant, nous apprenons à écouter le grand silence du vide, dans cet univers dénué de nos repères sensoriels.

LE PHÉNOMÈNE MÉLISANDE
Soudain, la voix du pilote, Juraj Valčuha, retentit. Avec l’assurance d’un capitaine passionné, il connaît les moindres lois de la gravité, les risques d’implosion de chaque étoile et les secrets les plus enfouis de cette ère encore inconnue.
Il annonce que nous approchons de notre destination. Les passagers, fascinés, se pressent contre les hublots. Et puis, au loin, elle apparaît. Objet et but de notre trajet, la planète Mélisande (Mari Eriksmoen) danse sous nos yeux. Composée de brume et dépourvue de centre, elle diffuse un éclat d’un bleu azur parsemé de vapeur vaporeuse, rappelant les reflets d’un lac. Mélisande attire irrésistiblement, mais quiconque s’approche trop près invariablement se consume…

C’est le sort tragique de l’astre Pelléas (Björn Bürger), à l’allure invincible et ambitieuse, qui, après avoir longtemps gravité à distance autour d’elle, a fini par se laisser happer, brûlé par ses ondes ensorcelantes. Non loin se trouve la planète Golaud (Leigh Melrose), sombre, aux reflets noirs et magnétiques. Restant en retrait par rapport à son congénère, elle semble elle aussi sous le charme de la curieuse Mélisande.
VERS L’INFINI ET AU-DELÀ ?
Un phénomène se serait produit récemment, serait apparue une véritable boule de feu. Des observations ont d’ailleurs montré que les particules de cristaux proviendraient de cette brûlante implosion. Imperturbable, l’antique Arkel (Nicolas Testé) poursuit sa lente rotation, sage témoin des anciens cycles du système. Enfin, un peu plus loin, Yniold (Charlotte Bozzi), petit satellite curieux, capte comme il le peut les reflets des astres les plus grands.
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Fascinés par ce monde inconnu, nous retenons notre souffle devant cette beauté céleste et infinie. Cette expérience d’une autre dimension, d’une inquiétante étrangeté, nous livrera à une réflexion sur notre existence, si fugace, au sein de cette ère nouvelle. Parviendrons-nous à atterrir ?

