INTERVIEW – Le grand altiste français évoque sa passion pour le Concerto de Bartok.
A 37 ans, Antoine Tamestit a déjà un parcours exemplaire. Avec un instrument le plus souvent relayé à l’orchestre, l’alto, il a réussi a développer une carrière internationale. Il joue en solo ou avec orchestre. Jeudi à Bordeaux, avec l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine dirigé par Sascha Goetzel, il donne le Concerto pour violon de Bela Bartok, un sommet. Interview en forme d’Abécédaire.
A comme Alto.
« C’est le plus bel instrument du monde ! Il réunit plusieurs instruments : la voix, le violon et le violoncelle. L’alto sait chanter, être virtuose et profond. Il me comble. De plus, j’ai la chance d’avoir un alto exceptionnel, un Stradivarius datant de 1672, prêté par la fondation suisse Habisreutinger (probablement l’un des Stradivarius les plus chers du monde, ndlr). Avec sa corde de la, il donne le son cristallin du violon. Avec sa corde de do, il touche en profondeur comme le violoncelle. Et chaque corde chante ! Je le joue tous les jours. Les instruments anciens sont très sensibles à la température et à l’hydrométrie. C’est comme une vieille personne qui arrêterait de sortir de chez elle : rapidement elle ne peut plus faire le tour du pâté de maison. Moi je lui fais courir un marathon (rires). Je parcours la planète et je joue de tout, de Bach à Bartok. »
B comme Bartok.
« Ce concerto est la bible des altistes, notre livre de chevet. On le travail sans fin ! Bela Bartok (1881-1945) l’a composé pour un virtuose anglais, William Primrose. En 1945, il lui a écrit « J’ai fini le brouillon du concerto, je n’ai plus qu’à le mettre au propre »… mais meurt la semaine suivante. Ce brouillon n’est pas très facile à déchiffrer, même pour ceux qui connaissent Bartok. C’est l’un d’eux, Tibor Serly, qui a finalisé la première version. Vers la fin des années 1990, le fils de Bela Bartok, Peter, s’est replongé dans le manuscrit et a donné une autre version. C’est celle que je préfère. Elle est la plus proche du « brouillon ». Néanmoins, je ne cesse de m’interroger sur cette partition. Je la regarde tous les jours. Les ratures, les ajouts et les commentaires dans les marges, nous renseignent sur ce que cherchait le compositeur.
C comme Concerts
« Je donne entre 75 et 80 concerts par an. Après Bordeaux, je pars au Japon pour des récitals en solo et avec orchestre. Je travaille beaucoup mes concerts. J’ai arrêté à regret l’enseignement pour me consacrer à ma famille (il a deux enfants, ndlr) et à la préparation des concerts. Je ne veux pas les préparer à la va-vite, sinon je suis trop sur le fil. Le niveau attendu appelle une exigence extrême. Il faut maîtriser la technique pour garder une certaine distance quand vient le trac ou un passage délicat… et être libre : j’aime bouger quand je joue. Je danse la musique. »
Concert : jeudi 24 novembre, Auditorium. 20h Complet. Une partie de ce concert – la 7e symphonie de Dvorak – est proposée le vendredi 25 novembre à 20h00 aux moins de 26 ans et étudiants à 2€.