COMPTE-RENDU : C’est par une matinée dominicale que François-Xavier Roth, à la tête de son ensemble bien nommé pour souligner la marque du temps, Les siècles, vient fêter en musique ses vingt ans, au Grand Théâtre de Provence (GTP).
Une programmation séculaire
Une relation privilégiée entre le GTP et Les Siècles s’est établie, « lorsque l’orchestre était bébé », explique en annonce du bis, son fondateur et directeur musical, François-Xavier Roth. Ce bis sera un extrait de l’Arlésienne de Bizet, en hommage à la Provence. D’où son souhait de faire d’Aix-en-Provence une étape de la tournée anniversaire des vingt ans de l’ensemble symphonique. C’est justement dans le passé, dans le patrimoine musical français, que le chef vient puiser, depuis le choix des instruments jusqu’au phrasé, la sonorité d’ensemble, en passant par les tempi.
Comme l’ensemble se prénomme Les siècles, c’est au tournant du siècle dernier, il y a cent ans, que le programme est consacré, avec des œuvres virtuoses pour orchestre, de Lalo (Namouna) et Massenet (Scènes alsaciennes), au romantisme poétique, comme de Debussy (Prélude à l’après-midi d’un faune) et Ravel (La Valse), au modernisme acoustique. D’autres compositeurs, tels Dukas, viennent s’intercaler dans le programme, tandis que la chronologie se double d’une raison supérieure : une même énergie dynamique, qui travaille avec cohérence la succession des pièces assemblées.
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Une rhétorique, dans chacune des pièces sélectionnées, expose dans premier temps, l’aube transparente de la sonorité musicale, et se poursuit par un long crescendo, une course vers l’abime, une exacerbation conclusive qui célèbre toutes les forces vives de l’orchestre : frémissements des cordes, y compris les deux harpes, entrelacs exposés des bois, affirmations pleines ou discrètes des cuivres et des percussions. La musique se met en mouvement, tel un grand paquebot.

Une interprétation téméraire
Il faut une certaine dose de témérité pour venir réveiller le calme dimanche matin aixois en faisant résonner des sonorités d’orchestre, enchâssées dans des formats et des dynamiques de pièces uniques, ou en petits volets, qui doivent tout donner dans le temps court de leur exécution. L’idée fixe du directeur musical est de souligner avec clarté et élégance, à l’aide d’une battue ondoyante, adaptée au galbe de chaque opus, le programme, le contenu extra-musical, qu’indique leur titre.
Foin de la musique pure, indigeste de bon matin, comme un gâteau d’anniversaire trop copieux ! Les pièces sélectionnées constituent un brunch consistant et équilibré, entre Le Prélude à l’après-midi d’un Faune de Debussy, qui marque l’entrée dans le vingtième siècle musical, et La valse de Ravel, sorte d’apothéose d’un genre chorégraphique presque trop adulé. La musique à programme est reine, tandis que les sonorités, extraites d’instruments de l’époque des œuvres jouées, marque de fabrique de l’orchestre, se font d’autant plus évocatrices. La Bête, chez Ravel comme chez Dukas (L’apprenti sorcier), est confiée au contrebasson, tandis que la harpe fait la Belle…
Ce bain de jouvence nostalgique revigore le public du Grand Théâtre de Provence. Un prélude à l’après-midi d’un dimanche d’épiphanie, dont le temps, souplement étiré, comme les pièces entendues, poursuit sa course dans les mémoires. Les Siècles sont jeunes : ils ont vingt ans.
