CONCERT – « Vent d’Est », c’était le titre donné à cette soirée du 24 mars 2023 par la Philharmonie de Paris, qui y a invité l’Orchestre National du Capitole de Toulouse. Au menu, deux plats de résistance – avec à chaque fois un rappel en guise de dessert : le Concerto pour violoncelle en si mineur (op. 104) de Dvořák et la Symphonie n°9 en mi bémol majeur (op. 70) de Chostakovitch.
Un Dvořák plein et entier
La star de ce concert, c’était le soliste Edgar Moreau. Son interprétation fut assurée et pleine de chaleur. Et puis, disons-le, le concerto avait de quoi plaire à l’assistance, puisque c’est du Dvořák. Au beau milieu des passages les plus dramatiques du premier mouvement, le ton restait paradoxalement plein de rondeur et de caresses apaisées. Que ce soit au violoncelle, ou dans le reste des cordes, on a même pu profiter, au détour de virages mélodiques inattendus, de quelques démanchés espiègles.
Ce fut le deuxième mouvement qui nous toucha le plus, peut-être par le plus grand relief qu’il présentait dans l’écriture. On pouvait apprécier plus particulièrement l’alchimie qui régnait entre le violoncelliste et Tugan Sokhiev, à la tête de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse : les intentions musicales se répondaient admirablement, et les transitions avec les différents pupitres étaient saisissantes de fluidité. Mention spéciale, malgré tout, pour ce fulgurant crescendo qui clôt le troisième et dernier mouvement, à la suite duquel la salle s’est empressée d’éclater en applaudissements.
Vous savez ce que c’est qu’une dictature ?
Après l’entracte, la place fut laissée à la délicieuse Symphonie n°9 de Chostakovitch. En 1945, cette pièce, dont le Kremlin pensait qu’elle allait célébrer le triomphe de l’URSS, surprend tant elle est modeste et enjouée – et la symbolique guerrière troquée contre des effusions carnavalesques qui rappellent plutôt la liesse des parades militaires. On peut ainsi mentionner, dans le premier mouvement, le contraste entre le piccolo (Claude Roubichou) et les cuivres, très espiègle, presque moqueur, sur fond de caisse claire, ou le solo candide du violon supersoliste (Kim Jaewon). Les pages dévoilent ensuite des jeux de questions/réponses allègres d’un instrument à un autre, des phénomènes de surenchère entre pupitres : l’orchestre clamait sa nonchalance avec une pertinence qui avait de quoi ravir.
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Il y eut bien sûr les grands moments de cette symphonie : le deuxième mouvement, avec son envoûtant solo de clarinette (Floriane Tardy) et ses cordes mystérieuses, nous donna l’impression de suivre quelque aventurier dans un temple inconnu ; tandis que le quatrième mouvement, avec son solo discontinu au basson (Guillaume Brun), qui passe d’oriental et charmeur à enfantin et agité, nous apparut comme si nous l’entendions pour la première fois.
Si la création de cette Symphonie a entraîné la colère du Kremlin, son écoute continue aujourd’hui de nous offrir un rafraîchissement rare, plein de malice. Plus généralement, Tugan Sokhiev a donné ce vendredi soir un concert qui force l’admiration, tant son implication était énergique et appliquée. Pas besoin de faire son autocritique, vous l’aurez compris.