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Constellations et improvisations à Peralada

CONCERT – Le compositeur Hèctor Parra et la pianiste Imma Santacreu présentent une sélection des œuvres pour piano de Parra, improvisées à quatre mains, au sein de l’auditorium du cloître Saint Dominique de Perelada. 

Le langage du corps

Orgie dans une église ? Ce n’est pas ce que vous pensez, bien que ce scénario ne soit plus malheureusement inimaginable. En marge des grands événements lyriques donnés à l’église de Carmen, le Festival Perelada 2023 sort exceptionnellement du cadre de son somptueux château pour un concert de musique contemporaine. C’est au cloître Saint Dominique (Claustre Sant Domènec) que Hèctor Parra, le compositeur barcelonais et résident français, présente ses œuvres pour piano (aux côtés de la pianiste Imma Santacreu) dont les extraits de son tout dernier opéra Orgia (en réduction piano bien évidemment). Il s’agit de l’adaptation lyrique de (l’unique) drame de Pier Paolo Pasolini, créée en juin 2023 à Bilbao (en coproduction avec Liceu et Peralada) sur le livret et la mise en scène de Calixto Bieito et une distribution vocale stellaire : Leigh Melrose, Aušrinė Stundytė et Jone Martínez.

Hèctor Parra ©-Juan-Castro-Iconna

“Orgie” parle “Le langage du corps”, ce qui est le titre de l’exposition qui orne les murs de l’auditorium du cloître. Il s’agit d’une série des dessins (des sanguines) réalisée par le compositeur lui-même pendant sa résidence romaine à la Villa Médicis (en tant que premier Catalan). Son journal intime prend forme d’un carnet de dessins où il va tracer sous toutes les coutures des beaux torses musclés et nus, des (sculptures des) divinités romaines qu’il peut croiser et scruter quotidiennement en se promenant dans la Ville Éternelle. Ainsi, ce cloître du XIIe siècle devient le lieu du croisement du sacré et du profane, de l’antique, médiéval et du présent.

Le langage de la violence

L’art de Parra est transversal et s’inspire des autres sphères artistiques (peinture, arts plastiques, littérature, théâtre), telles sont les œuvres présentées ici : les pièces d’après les tableaux de Joan Miró “Les Constellations”, extraits de l’opéra Les Bienveillantes (sur le roman éponyme de Jonathan Littel) et Orgia. Outre les dessins, le public est immergé visuellement dans le langage musical de Parra, avec les partitions grand format qui recouvrent les murs. On y voit les changements métriques et rythmiques, les explorations sonores et des timbres, l’atonalité et des clusters dissonants, en somme un langage abstrait tels les tableaux de Miró, ainsi que violent comme le théâtre pasolinien. Le compositeur opte pour un concert commenté afin de rapprocher son univers sonore au plus grand public (uniquement en catalan malheureusement). Cette tentative de vulgarisation reste néanmoins moyennement réussie, en raison de cette abstraction du langage qui privilégie le processus de la construction que l’esthétique du son (et de ce fait appelle à un public plutôt connaisseur). 

Concert ou conférence de physique quantique ? ©-Juan-Castro-Iconna
La quincaillerie musicale

Or, ce qui pourrait favoriser ses efforts de vulgarisation plus que d’autres, sont les objets avec lesquels il pince les cordes du piano. En révisant le terme du « jeu à quatre mains » (l’un au piano, l’autre aux objets), il se sert de la « quincaillerie », des ustensiles de cuisine ou de ménage (des brosses, bâtons, chiffons, pinceaux et autres) dans ses improvisations. Cette readymade musique nous renvoie aux performances et idées de Marcel Duchamp, mais aussi de la démocratisation de l’accès à la création musicale en utilisant ces objets de vie quotidienne. 

Imma Santacreu au piano ©-Juan-Castro-Iconna

Imma Santacreu joue ses compositions entre la partition écrite et les improvisations, donnant corps à ces coups violents des accords-grappes et aux rythmes brusques et pointus, nécessitant beaucoup de précision. D’autre part, elle contrebalance cette brutalité sonore par des passages doux et lyriques, parfois oniriques. Son phrasé mélodieux se déploie pleinement dans la Sarabande de Bach (de la Suite française), le seul morceau tonal à proprement parler, avant de glisser dans les harmoniques, des sons métalliques et bruiteur des cordes pincées. 

Le concert s’achève sur la tendre mélodie d’une boîte à musique, avant de passer aux longs applaudissements du public curieux, qui s’approche du piano pour observer les objets et échanger avec les artistes. 

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