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Don Giovanni de Sempey à Sanxay : santé à une nouvelle étoile !

OPERA – Star de la soirée, Florian Sempey prend le rôle de Don Giovanni, étape marquante dans sa carrière, sous la voûte céleste du Théâtre gallo-romain de Sanxay. La constellation d’artistes qui l’entoure sur cette production brille d’un même éclat.

Plafond céleste

Il y a plus de 20 ans naissait un festival dans le Théâtre gallo-romain de Sanxay (lire « Sançay » bien que sans « c » : insensé !), répondant au doux nom de « Soirées lyriques » et accueillant près de 10.000 spectateurs par an (dont 30% découvrent l’opéra à cette occasion) grâce à plus de 200 bénévoles. Il pourrait même s’appeler « Nuits lyrique », le spectacle débutant à la nuit tombante pour se terminer à une heure indécente, un entracte de 30 minutes (« on a le temps de se saouler ! », plaisante un spectateur) s’ajoutant aux 3h de musique. L’ambiance du festival est d’une grande simplicité malgré la qualité des artistes réunis. Ainsi, pendant le discours présentant la soirée, les voix des chanteurs s’échauffant résonnent au loin. A l’entracte, l’on croise à la buvette les choristes en costume tandis qu’une dégustation de melon est offerte et qu’un appareil à selfie permet aux spectateurs d’immortaliser leur venue avec les ruines antiques en arrière-plan.

À Sanxay, les étoiles sont sur scène, et pas que… ©Soirées lyriques de Sanxay

Ce soir, l’Orchestre des Soirées Lyriques de Sanxay est dirigé par le jeune chef Marc Leroy-Calatayud, déjà à l’œuvre l’été dernier pour Le Barbier de Séville (et même la saison précédente pour Carmen en tant que chef assistant). Dans l’acoustique sèche du Théâtre (qui n’offre pas de réverbération, et pour cause !), le relief de l’interprétation est un peu raboté, les accents tendant à se perdre. Mais le chef en joue, appuyant du coup sur la subtilité des traits. La valeur n’attend point le nombre des années : il dispose déjà d’une gestique sûre et claire et d’une vision efficace de la partition. Le Choeur des Soirées Lyriques de Sanxay est tout à fait investi, tant théâtralement que dans sa production musicale. 

Nouvelle étoile

A l’occasion de cette production, Florian Sempey effectue sa prise du rôle-titre de Don Giovanni, ce qui est un évènement d’importance. Que ceux qui l’ont ratée se rassurent : ils auront sans nul doute de nombreuses occasions de l’y entendre. Une étoile semble bien être née parmi les interprètes du personnage, et elle ne devrait pas être filante. Sa voix lactée, à l’aise sur le large ambitus du rôle, démontre déjà toute son assurance. Sa nuance piano durant la sérénade, bien suivi par la mandoline qui l’accompagne, produit un grand effet. S’il s’est déjà approprié l’humour grinçant du librettiste Lorenzo da Ponte ainsi que l’arrogance et l’autorité du séducteur, il pourra en développer encore le vice, l’effronterie et la furie, qui n’apparaissent ici que dans le dernier tableau, mais d’une manière saisissante. 

Jugement céleste… ©Cyril Cosson
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Le reste de la distribution est à l’avenant. Son satellite Leporello bénéficie de l’abattage théâtral et de la voix charmante, charpentée et charnue d’Adrian Sampetrean. Andreea Soare interprète tout en finesse une Donna Elvira lunatique, ses aigus perçant dans la nuit. Elle reste en revanche discrète scéniquement. Klara Kolonits interprète Donna Anna d’une voix solide aux accents telluriques, bien que dévoilant une légère stridence dans l’aigu. La mise en scène étant statique durant son air de l’acte II, c’est l’occasion de lever les yeux au ciel pour admirer cinq majestueuses étoiles filantes (véridique !) en ces quelques minutes. Bien que peu mis en valeur par la brochure distribuée au public (outre Don Ottavio qu’il chante ici, seuls sont cité dans son répertoire les minuscules rôles de Parpignol dans La Bohème et Giuseppe dans Traviata), Granit Musliu assume avec prestance et un timbre chaud et sec ce rôle pourtant ingrat : Don Ottavio coiffe en effet Raymond Domenech pour la pire demande en mariage de l’histoire, puisqu’il fait sa proposition sur le cadavre de son beau-père… belle idée ! Pas étonnant qu’il se fasse éconduire ensuite scène après scène. Membre de l’Académie de l’Opéra de Paris, Adrien Mathonat interprète un Masetto bourru et un Commandeur puissant, d’une voix profonde et mate, puissante et placée. Lui qui a joué de la trompette et du tuba dispose d’un souffle puissant lui offrant une belle projection. Le couple que son premier personnage forme avec Zerlina est assorti puisque Charlotte Bonnet se montre très juste théâtralement et habile musicalement. 

Masetto et Zerline : l’amour est dans le pré. ©Cyril Cosson

Lâché de ballons

Le metteur en scène Jean-Christophe Mast est un fidèle de l’institution puisqu’il y vient désormais tous les deux ans (Aida en 2019 et Carmen en 2021). Avec Jérôme Bourdin (scénographie et costumes), il transforme son décor unique composé d’un promontoire et de deux portes à cour et à jardin, en ajoutant des accessoires : un lit pour la chambre, des bottes de foin pour la campagne, des ballons (qui seront lâchés dans le ciel poitevin) pour la fête, une statue de faucheuse pour le cimetière, une table pour le festin final (où « l’appétit de géant » de Don Giovanni est voué aux deux femmes qui s’y livrent à lui). Les costumes restent sombres, sauf pour ce diable de Don Giovanni, tout rouge, et pas de honte. Le fameux catalogue est ici un drap sur lequel est dessinée une carte de l’Europe répertoriant les conquêtes du séducteur. Sa vision classique et efficace n’est ainsi pas dénuée d’idées et est portée par une direction d’acteurs bien conduite, appréciée d’un public dont une grande partie découvre l’œuvre à cette occasion. 

Alors que Don Ottavio demande une ultime fois la main de Donna Anna et se prend un énième râteau, une dernière étoile filante déchire le ciel. Les solistes saluent pendant leur dernier ensemble, le public applaudissant donc sur la musique. A 1h du matin, il aurait pu se presser vers la sortie, mais il prend malgré tout un temps conséquent pour saluer les artistes. Alors que la lumière se rallume, éclipsant le spectacle céleste, le public quitte les lieux des étoiles plein les yeux, pressé tout de même de les fermer. 

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