AccueilA la UneAinsi parlaient Gustav Mahler et Semyon Bychkov à la Philharmonie

Ainsi parlaient Gustav Mahler et Semyon Bychkov à la Philharmonie

COMPTE-RENDU – Semyon Bychkov a retrouvé l’Orchestre de Paris et ses chœurs de femmes, d’enfants et de jeunes (préparés par Richard Wilberforce) rejoints par la contralto Christa Mayer pour partager l’expérience métaphysique de la monumentale Symphonie n°3 de Mahler.

Surhomme et Volonté de puissance

Mahler a vu les choses en grand avec sa Symphonie n°3, la plus gigantesque de son catalogue symphonique hors-norme. Cette Symphonie XXL atteint 1h45 de musique (le premier mouvement durant à lui seul plus 30 minutes), et convoque un orchestre surdimensionné dépassant la centaine d’instrumentistes, auxquels s’ajoutent plus de cent cinquante choristes (il se dépassera sur ce point avec sa “Symphonie des Mille”, la n°8 mais qui dure, seulement 1h20). Cerises sur ce gâteau roboratif, se joignent une contralto et un insolite cor de postillon (même si le Covid circule encore, il s’agit heureusement d’un cor de postier à l’origine, pas d’un cor postillonneur). 

« Avec tous les moyens à ma disposition, créer un univers »

Gustav Mahler
C’est un monde !

Dieu créa le monde en six jours et Mahler créa sa 3ème Symphonie-monde en six mouvements. Et Mahler vit que c’était bon. 

l’épisode précédent

Et si Mahler n’a retenu finalement que les indications musicales pour chacun des mouvements, la Symphonie était à l’origine dotée d’un programme inspiré de Nietzsche (le texte du 4ème mouvement chanté par la contralto est tiré d’Ainsi parlait Zarathoustra). Mais nul besoin d’un master de philosophie pour être touché par la musique de Mahler et il est bien difficile de résister à la puissance des déferlements sonores ainsi qu’à la beauté insensée de certaines pages. Empreinte de religiosité et de métaphysique, l’œuvre est traversée par des forces opposées faisant vivre à l’auditoire un yoyo émotionnel (la sérénité du 2ème mouvement n’est pas exempte d’inquiétude, tandis que l’humour et le tragique cohabitent dans le 3ème mouvement).

Ainsi dirigeait Semyon Bychkov

Semyon Bychkov retrouve l’Orchestre de Paris dont il a été directeur musical pendant près de dix ans et Mahler dont il grave l’intégrale des symphonies. Sa proposition musicale est enthousiasmante et inspirée. L’étirement du tempo fait sentir l’effort de la gravitation de cet édifice musical. Le temps long et étale permet à l’auditoire de vivre dans ses chairs l’inéluctable des marches funèbres quasi pétrifiées du début de l’œuvre et d’expérimenter l’immensité s’ouvrant vers la lumière du 6ème mouvement. S’il prend son temps, le chef n’a de cesse de préserver le flux musical qui poursuit sa circulation dans les suspensions et les respirations, offrant une stabilité réconfortante dans tous les changements abrupts de la partition.

À Lire : Dvorák au Festival Ravel avec Semyon Bychkov (remplaçant Dudamel parti)

Les instrumentistes vivent également dans leur chair le défi de jouer cette partition, Mahler les poussant dans leurs retranchements et l’assumant ainsi : « Lorsque je veux qu’un son soit menaçant… je l’écris non pour un instrument capable de l’exécuter aisément, mais pour celui à qui il demandera un effort important… je l’oblige à dépasser les limites habituelles de la tessiture. » Le défi est relevé haut la main, et si tous sont à saluer, le tromboniste Jonathan Reith et le corniste Benoît de Barsony sont acclamés par le public. 

On ira tous au paradis

« O Mensch! Gib Acht! » (O Homme ! Prête attention !) délivre fragilement d’abord la voix de la contralto Christa Mayer, avant que les répétitions de la phrase ne s’ancrent dans des résonances riches et chaleureuses. Elle assume elle aussi la lenteur en allongeant les consonnes et en se délectant du texte et, si la voix prend certaines colorations métalliques, elle atteint des profondeurs inspirées (« Die Welt ist tief » – le monde est profond : ainsi parlait Zarathoustra). Sa voix se déploie dans un beau lyrisme lorsqu’elle dialogue avec les anges qu’interprètent les chœurs. Les voix s’unissent dans un son réconfortant et brillant suggérant sans peine le bonheur céleste.

À Lire : Le Festival de Pâques d’Aix fait un Mahler pour ses 10 ans

L’œuvre s’achève en apothéose de lumière et transporte l’auditoire, à l’issue de cette 6ème Symphonie, vers le 7ème ciel. Quelle que fût l’expérience de chacun à l’écoute de cette œuvre-monde, métaphysique, esthétique, philosophique, sensuelle, le public débordant d’enthousiasme laisse exploser sa joie à peine les derniers accords posés. 

image de Une – Semyon Bychkov © Javier del Real – Teatro Real

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