COMPTE-RENDU – Mikko Franck et l’Orchestre Philharmonique de Radio France, accompagnés de la pianiste Alice Sara Ott et des Chœurs de Radio France, peignent en musique des œuvres de Grieg, Debussy, et de Camille Pépin.
Dégradés de bleus et blancs
Les œuvres interprétées abordent en effet les clartés d’un soleil d’hiver dans la douce nostalgie de la « Chanson de Solveig » de Peer Gynt, l’éveil à la fois vif et mélancolique de son Concerto pour piano en la mineur ; les palettes, plus sombres, du bleu nuit s’imposent pour les Nocturnes Debussystes, et celles enfin du blanc se mêlent à la clarté de la mer dans l’Inlandsis de Camille Pépin (une commande de Radio France créée en ce soir de concert, qui devient ainsi un vernissage musical). Le nom de l’œuvre, repris du suédois, renvoie aux nappes de glaces qui se forment à la surface de l’eau. Camille Pépin y raconte cependant la fonte des glaces, d’abord dans un long mouvement à la fois solennel et majestueux, soutenu par la tension d’une basse continue de plus en plus dramatique, sans toutefois tomber dans l’épanchement pathétique. L’œuvre, plutôt, souligne le grandiose de ces impressionnantes étendues de glace et la tragédie de leur mort imminente.
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Un concert qui ne laisse pas de glace
À ces mélanges de couleurs se mêlent les émotions, aussi bien la douceur de l’amour que celles du tragique. Inlandsis est d’ailleurs l’occasion pour Mikko Franck et l’Orchestre de Radio France de démontrer son habileté à relever la diversité des tons de l’œuvre et de la partager au public, cela avec une grande précision dans l’interprétation (comme plus tard à mélanger les couleurs sur une palette -sonore- alchimique). Ce sera malheureusement moins le cas pour les deuxième et troisième Nocturnes de Debussy, qui manquent de cette même précision et dont l’effet parait plus « brouillon » (sans être le sfumato de Leonardo da Vinci, ni le brouillard des impressionnistes : juste brouillon), malgré la présence lumineuse des Chœurs féminins de Radio France qui viennent apporter leur touche de fantastique. De manière générale, c’est dans l’expression d’une passion plus tempérée que Mikko Franck se fond avec le plus d’aisance (dont une très belle « Chanson de Solveig »), que dans les mouvements très vifs, presque, trop tranchants, trop hachés qui coupent trop brusquement la musique (dans le premier mouvement du Concerto et les « Fêtes » des Nocturnes), risquant de déchirer la toile.
La pianiste Alice Sara Ott inaugure sa résidence à Radio France par ce Concerto de Grieg. Le jeu est empreint d’une grande vivacité, quoiqu’il manque un peu de souplesse. Elle possède également une présence joyeuse, emportée par son plaisir de jouer et elle est acclamée vivement par tout le public. De manière générale, la soirée est un succès et c’est enthousiastes jusqu’au bout que les spectateurs quittent la Maison de la Radio pour retrouver les « Nocturnes » parisiennes.
Ce concert est disponible à la réécoute sur France Musique, en suivant ce lien