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Belfort bleue, Territoire de standards

CONCERT – Dernière matinée du Festival des Tourelles 2023 à Belfort, le vibraphoniste Franck Tortiller et son camarade de jeu Misja Fitzgerald-Michel à la guitare acoustique emmènent un public curieux dans un univers qui fait vite oublier l’appel du pied de ce soleil qui brille au dehors.

Un duo sans impair

Bleu, bleu, bleu comme la note bleue (la « blue note« , celle qui fait la couleur du jazz) : Misja Fitzgerald-Michel, chemise à carreaux vichy bleue, jean de la même couleur et baskets blanche-bleu et bande orange près des talons, est assis sur un tabouret pivotant avec devant lui une partition sur un pupitre, pas plus qu’un aide mémoire… Jouant par cœur, son camarade Franck Tortiller, debout devant son vibraphone a retroussé les manches de sa chemise à motifs rouge/noir, mais c’est là encore le bleu qui s’impose, au regard du public comme hypnotisé par les mouvements des extrémités bleues de ses quatre baguettes medium dur. 

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L’heure bleue, entre jazz et folk

Leur titre de concert, « Les Heures propices », qui paraphrase les premiers vers du poème Le Lac d’Alphonse de Lamartine (« Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices, suspendez votre cours ! »), promet de suspendre un instant le cours d’une existence par leur musique. C’est ici un bœuf (session musicale avec improvisation), bleu, qui paît près de ce lac entre les deux amis. 

Leur duo jazzy précis, rapide et pourtant calme au service de sujets musicaux bien plus complexes qu’ils ne paraissent simples -une farandole d’oxymores vient à l’esprit devant leur jeu- remplit l’espace de la Salle des fêtes de Belfort.

La précision des gestes (presqu’intimidante de virtuosité au vibraphone), l’exactitude rythmique et harmonique sont au service d’un duo à la musicalité naturelle, et qui semble se connaître comme s’il jouait tous les soirs et week-ends dans le garage familial depuis vingt, trente ou quarante ans.

Bleu-Blanc-Rouge outre-Atlantique

Franck Tortiller présente tous les titres, dans une explication historique érudite des standards de jazz dont Bemsha Swing de Thelonious Monk (entraînant au passage un flot de notes où le thème se termine à l’unisson). Mais toutes les nuances de bleu qui se déclinent et s’harmonisent se teintent aussi de noir-jaune-vert avec Redemption Song de Bob Marley. Air, Love and Vitamines d’Harry Pepl, plonge dans une version calme propice à la méditation (une heure bleue mais qui, vivante, ne donne pas le blues : ce serait un autre courant musical).

Car ces musiciens ne sont pas « des bleus ». Le propre des (bons) musiciens de jazz comme eux, est de déployer comme ils le font ici, sans maladresse des improvisations sur les standards écrits, comme pour les recomposer… et ce duo va même jusqu’à composer ses propres titres : Les Heures propices et Clos des Corvées ont emporté définitivement le public dans le monde de la musique vivante et débordante d’énergie !

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