COMPTE-RENDU – À Nîmes, le nom même du Festival « Les Volques » nous renvoie -plus ou moins- aux temps et aux lieux des Gaulois, mais s’il puise effectivement dans le passé, c’est pour mieux le réunir avec le présent. Chaque année en effet, la programmation réunit un compositeur de naguère et un de notre temps : une amitié à distance bien présente, qui fait résonner en 2023 Wolfgang Amadeus Mozart et Sir George Benjamin.
La merveille de l’amitié c’est qu’on la choisit. Ce n’est pas Montaigne qui nous dirait le contraire, lui qui en parla si bien (c’est de lui, « parce que c’était lui, parce que c’était moi », de lui et au sujet de son amitié avec La Boétie). Et justement, la richesse de ce Festival « Les Volques » à Nîmes tient au fait qu’un compositeur de notre temps (et bien présent) choisit un compositeur de naguère, pour faire résonner leurs répertoires. Philippe Manoury avait choisi Ludwig van Beethoven, Helmut Lachenmann avança vers le romantisme de Franz Schubert, et Betsy Jolas vers celui de Robert Schumann. Désormais, retour au classique, Benjamin ayant choisi Mozart. Et s’il n’a bien entendu pas pu rencontrer ce compositeur né deux siècles avant lui (à quatre années et quatre jours près : l’un est né le 27 janvier 1756 à Salzbourg, l’autre le 31 janvier 1960 à Londres), cela ne lui aurait certainement pas déplu : comment refuser un tel rendez-vous (exactement comme notre proposition faite à Alexis Duffaure d’appeler Bach, en interview perchée).
Labo & Cie
Alors ce sont leurs musiques qui se sont rencontrées toute cette semaine durant ce festival, et qui se sont notamment croisées pour ce récital du pianiste Pierre-Laurent Aimard au Carré d’Art (dans une Halle à l’acoustique à la fois résonante mais proche). L’interprète joue en effet strictement le jeu, en alternant une œuvre de chacun, dans trois diptyques, présentés au public par Arnaud Merlin. Pierre-Laurent Aimard a été fort bien choisi (comme tout le monde il aime Mozart, mais il est en outre un ami de longue date de George Benjamin, et ils ont tous les deux appris avec Messiaen). Le croisement des œuvres des compositeurs vient souligner tous leurs liens esthétiques, assumés par Benjamin mais comme anticipés par Mozart.
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Fantaisies, d’hier et d’aujourd’hui
Benjamin rend bien entendu un hommage direct au répertoire de Mozart et le pianiste d’interpréter la Fantaisie II de Mozart ainsi que la Fantasy on Iambic Rhythm de Benjamin. Le compositeur contemporain montre tout ce qu’il doit au maître classique, dont la liberté de ton aura ouvert tant de portes à toutes les générations futures. Mais si ce programme musical est un portrait croisé, c’est parce qu’il souligne les différences entre les œuvres, bien entendu (l’amitié est une complémentarité). D’autant que le pianiste Pierre-Laurent Aimard renforce les caractères de ces répertoires respectifs : Mozart est joué avec un son léger mettant en valeur la mélodie, sculptant les différentes variations et les nuances, tandis que le clavier bouillonne en phrases puissantes accélérant jusqu’à la frénésie d’un pinacle de tension pour Benjamin.
Une raison de plus, pour l’auditoire, de grandement savourer l’alternance des compositeurs, et ce portrait en résonances (donc ce Festival, en somme) !