OPÉRA – L’Opéra Grand Avignon présente le quatrième et dernier opéra de la compositrice française Louise Bertin, en version réduite, avec un livret de Victor Hugo (d’après Notre-Dame de Paris) et une mise en scène de Jeanne Desoubeaux.
Glow down pour une bien belle oeuvre
Tel le bossu de Notre-Dame, ce chef-d’œuvre de Louise Bertin est caché ici derrière un masque totalement défiguré. Le spectacle veut rendre justice à cette compositrice injustement méprisée et oubliée par l’histoire, mais il y a peu de chances qu’elle y entre par cette version difforme et appauvrie… La mise en scène de Jeanne Desoubeaux place logiquement cette histoire dans la cathédrale Notre-Dame de Paris : c’est peut-être l’une des rares bonnes décisions de la production de ce spectacle. Le décor de Cécile Trémolières place des échafaudages sur la scène, évoquant la forme au célèbre édifice, avec les cloches de Quasimodo tout en haut des tours et la rosace reconnaissable de la cathédrale en fond de scène.
Par entêtement à tout ramener à l’époque moderne, ce spectacle s’ouvre avec d’interminables minutes de musique électronique stridente pendant que les artistes font les fous (l’œuvre s’ouvre par l’élection du Roi des fous), dansent et s’adonnent à des jeux sado-maso. Cette vision est jugée vulgaire, bruyante et déplacée par certaines personnes dans le public. Et ça ne s’améliore pas avec un capitaine Phœbus qui montre ses fesses sur scène et viole Esmeralda à côté d’un prêtre qui se masturbe et jouit pendant qu’il chante. C’est d’ailleurs la goutte qui fait déborder le vase et provoque l’indignation et le départ de plusieurs spectateurs en pleine représentation.
Point par point : La Place de Grève porte bien son nom…
- Le comédien Arthur Daniel, en narrateur et Clopin, raconte l’histoire avec une diction on ne peut plus claire, mais son manque de technique vocale est criant lors de ses passages chantés (il remplace les chœurs dans cette version réduite) avec une voix plate, accompagnée de respirations au milieu des mots.
- Sa voix grave bien projetée et une bonne diction ne suffisent pas à sauver la prestation de la basse Renaud Delaigue, incarnant le prêtre Claude Frollo, dont la voix est déstabilisée du début à la fin du spectacle : de quoi crisper une partie du public !
- En capitaine Phœbus, le ténor Martial Pauliat se montre enthousiaste. Il présente une jolie voix dans les médiums, mais ses graves sont couverts par le petit effectif de musiciens et tous ses aigus (gentillets) sont chantés en voix de tête (ce qui était courant à l’époque de la composition de cet opéra, mais qui est fort dommage de nos jours).
- Quasimodo est interprété par le ténor Christophe Crapez, qui arrive à connecter avec le public par moments, mais détonne également assez souvent pendant ses interventions avec un vibrato qui n’apparaît que très peu.
- La soprano Jeanne Mendoche, interprétant Esmeralda, parvient à éteindre le feu dans les scènes où elle intervient, avec une ligne de chant élégante, constante et maîtrisée, malgré un texte parfois insaisissable. Elle fait montre d’un timbre clair, accompagné d’un vibrato agréable et des aigus brillants et bien émis. C’est à se demander ce qu’elle fait là !
Les musiciens de l’ensemble Lélio s’intègrent également à cette mise en scène, et jouent le jeu. Littéralement. Ils donnent même de la voix. L’arrangement très restreint de Benjamin d’Aufray, présent au piano, ne peut rendre compte de la qualité de l’œuvre originale, dont plusieurs parties des plus intéressantes sont d’ailleurs coupées. Au moins, l’ensemble permet au public de ne pas décrocher avant l’heure avec une interprétation dynamique et des jeux de question-réponse bien exécutés.
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Au moment des saluts, la salle ne communie pas avec le plateau : les applaudissements se font discrets, d’autant que certains spectateurs quittent la salle dès que les lumières s’allument. Les artistes remercient donc en groupe et ne font pas de saluts individuels. Esmeralda n’est pas la seule à avoir été malmenée. Sa brillante compositrice, Louise Bertin, a pris bien des bosses…