DISQUE – Publié chez Alpha Classics, le premier album de l’accordéoniste Théo Ould, Laterna Magica, est plaisant à plus d’un titre. Enlevé, inventif et virtuose, il déploie mille facettes miroitantes, dignes d’une lanterne magique.
Dis-moi ce que tu écoutes, ça dira aux lecteurs qui tu es
Il y a quelques mois, nous vous présentions l’accordéoniste Théo Ould, à l’occasion de sa nomination comme Révélation instrumentale aux Victoires de la musique classique 2023. Ou plutôt, c’est lui qui se présentait à nous, par le biais de sa playlist : La playlist classique de l’accordéoniste Théo Ould. On y découvrait un boulimique de musique, aux goûts aussi éclectiques que sûrs, avec une étonnante capacité de compréhension intrinsèque de chacun de ses choix musicaux, quelques soient leurs origines (classique, lyrique, pop, jazz, rock…).
Il nous restait, après l’avoir seulement entendu brièvement au cours de la cérémonie des Victoires classique, à découvrir l’interprète. C’est chose faite, avec son premier disque, Laterna Magica, qui vient confirmer en tous points la première impression, et même plus encore.
Un propos musical assumé et émancipé
Enregistré au mythique Studio Ferber, à Belleville, ce disque Laterna Magica a une personnalité puissante et séduisante. Suivant une logique d’affinité ou de contrastes entre les morceaux, plutôt qu’un fil chronologique, il déroule un propos musical assumé et émancipé. qui va de Rameau à Campo en passant par Tomás Gubitsch ou encore Tchaïkovsky. Chaque pièce a son intérêt : une gavotte de Jean-Philippe Rameau qui déploie de magnifiques variations sur la même grille harmonique, Laterna Magica, de Régis Campo, composée spécialement pour cet album, une toccata de Bach toute en digitalité virtuose ou encore À ce train-là, de Tomás Gubitsch, avec son savant habillage électronique. En tout, ce sont treize pièces qui déploient toutes, à l’instar du jeu de soufflets qui les génère, une vitalité et une précision revigorantes.
Le trait d’union de l’album ? L’incroyable dextérité de Théo Ould
En effet, chaque morceau de Laterna Magica est une pépite, dans la qualité de son écriture mais aussi et surtout dans la qualité de son interprétation. Cet album est la démonstration éclatante que Théo Ould a la maîtrise du piano à bretelles comme peu en sont capables. Sa main gauche est véloce, libre, parlante ; c’est si rare avec les accordéonistes ! Pour autant, elle est également là, précise et fiable, pour porter le discours musical, ce pendant que la main droite n’en finit plus de rivaliser de cascades de notes, toujours impeccablement exécutées. Sous les doigts de Théo Ould, l’accordéon, dont la sonorité rappelle celle de l’harmonium (les deux instruments sont très proches : du souffle qui fait vibrer des lamelles en métal à l’intérieur d’une caisse), devient un orgue des temps modernes, grandiose et pourtant accessible.
Laterna Magica annonce clairement l’arrivée d’un personnage de grand talent dans l’arène des musiciens classiques. Théo Ould est un interprète de premier niveau, avec un instrument peu courant qui plus est. Gageons que de nombreux compositeurs voudront écrire pour lui, ce qui est déjà le cas avec Régis Campo et Tomás Gubitsch.
Pourquoi on aime ?
- Pour l’identité forte qui s’en dégage, avec son côté « même pas peur »
- Pour les pièces contemporaines, séduisantes et accessibles
- Pour le très haut niveau d’interprétation
C’est pour qui ?
- Les amateurs d’accordéon, aussi bien les nostalgiques d’Yvette Horner que les fans de Richard Galliano, qui y retrouveront tous un accordéon qui sonne vrai, fort et clair
- Ceux qui pensaient que tout avait déjà été dit en matière de musique classique
- Ceux qui cherchent un cadeau à faire (après tout, on est encore dans le temps des étrennes) pour leur tante de 70 ans, qui se prétend baba cool tout en habitant métro Trocadéro à Paris
- Ceux qui cherchent à faire un cadeau à leur enfant ado qui ne sait rien dire d’autre que « ça m’gonfle »