RÉPÉTITION & CONCERT – L’Ensemble Baroque de Toulouse sous la baguette de son fondateur-directeur musical Michel Brun donnait à la Halle aux Grains de Toulouse la centième cantate de Jean Sébastien Bach précédée d’une répétition publique.
Donner quelques 200 cantates de Bach en 25 ans ! Tel est l’ambitieux projet que s’est fixé l’Ensemble Baroque de Toulouse, formation « historiquement informée » (jouant sur instruments d’époque). L’occasion de rendre leur lumière à certaines de ces pièces demeurées relativement confidentielles même à l’époque de leur composition (chefs-d’œuvre ou pièces de circonstance -et parfois les deux- Bach en composa régulièrement ou très irrégulièrement de ses 22 ans jusqu’à deux ans avant sa mort).
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Cent pour Cent
Le concert gratuit de ce dimanche 3 mars 2024 à la Halle aux Grains marque la moitié de ce projet lancé en 2007 et intitulé « Cantates sans filet » (car les artistes y sont bénévoles et jouent la cantate ensemble pour la première fois devant le public sans l’avoir répétée collectivement). Heureusement, cette 100ème est une cantate joyeuse sur la confiance en l’action divine construite autour de l’adage « Ce que Dieu fait est bien fait ».
Accordages
Le programme s’ouvre d’abord sur une répétition publique qui permet d’ajuster les différents pupitres et montre à l’auditoire ce travail méticuleux. L’amélioration au fil de la répétition est manifeste. Un réel écart est constaté entre l’imprécision de l’orchestre décousu au début et l’unité de l’ensemble au moment de la vraie prestation. Tout cela demeure cependant assez chronophage voire par moment fastidieux pour le public et s’étale sur plus de deux heures en ne comptant que la répétition (dont de longs moments de réaccordage).
Accordez
C’est toutefois aussi l’occasion pour Michel Brun de partager des éléments sur l’œuvre, le texte et la musique de Bach plus généralement. On apprend ainsi qu’une seule cantate fut publiée du vivant du compositeur sur les plus de 300 composées ! Sont aussi exposées certaines particularités de la musique baroque, comme l’absence d’écriture complète de certains ornements instrumentaux et le principe de la basse continue laissant une certaine liberté aux interprètes.
Accordés
Lors de l’interprétation finale, l’orchestre montre sa cohésion et parvient à impulser une dynamique. Les violons apportent du relief par leurs accentuations dès le premier mouvement et s’unissent en ce sens aux timbales. Les cors réchauffent le c(h)œur. Ce dernier exprime des voix claires et bien balancées. Les parties solistes sont assurées par des étudiants du conservatoire de Toulouse. Le ténor Arthur Pérot et l’alto Paula Cossin entrent en premier. Leur chant est bien rythmé et le volume adapté, comme d’ailleurs pour l’ensemble des solistes. La diction est également au rendez-vous.
Quadrinité solistique
– Paula Cossin présente un large ambitus et se montre à l’aise sur l’ensemble de la tessiture. Sa voix se fait veloutée dans le grave, ce qui lui confère une douce chaleur. Les aigus sont souples et limpides. Son souffle important lui permet des notes précises et prolongées.
– Arthur Pérot chante quant à lui avec une technique solide qui permet une bonne continuité de la ligne de chant. La voix est par contre par moment légèrement voilée.
– La soprano Clémence Garcia, particulièrement exposée par la légèreté de son accompagnement est impeccablement pertinente, que se soit dans l’élégance de ses subtils effets distillés avec justesse ou dans son appropriation du texte rendant le phrasé on ne peut plus cohérent. Le timbre est pur et cristallin et les aigus impactants. L’ensemble rend son chant émouvant.
– La basse Aurélien Pernet est propulsée par le rythme allant que ponctue l’orchestre. Les reliefs et ornements sont bien calculés. Il fait preuve d’une relative habileté. À l’aise dans le haut de la tessiture, il pourrait probablement prétendre à des rôles de baryton-basse. Le timbre présente un agréable caractère s’alliant à une certaine douceur.
Accomplissement, ami-chemin
Michel Brun réussit finalement son pari. Après seulement deux heures de répétition, il parvient à faire ressortir avec brio toutes les possibilités de cette centième cantate, jonglant expertement pour alterner les puissants chœurs solaires avec des moments d’intimité resserrés autour du chant. La Halle aux Grains remplie est ainsi transportée depuis de vibrants tutti jusqu’à des ambiances quasiment de musique de chambre. Elle se clôt par le vaste chœur final auquel le public a été grandement invité à participer pendant la répétition (il ne se saisit cependant qu’assez modestement de cette opportunité). Qu’il ait chanté ou pas, il se montre en tout cas enthousiaste et applaudit longuement l’ensemble des artistes en leur souhaitant bonne route pour la prochaine centaine !