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The Fantastiks : l’ONR fait le mur !

COMÉDIE MUSICALE – Créée à Colmar au mois en février dernier, donnée ensuite à Mulhouse et destinée à voyager dans les territoires du Grand Est (Sarre-Union, Sainte-Marie-aux-Mines, Vogelgrun), cette production par l’Opéra national du Rhin de la comédie musicale The Fantasticks fait sa rentrée au Théâtre de Hautepierre, dans la proche banlieue de Strasbourg. Spectacle haut en couleurs défendu par de jeunes artistes visiblement enthousiasmés par un projet destiné à faire connaître l’art lyrique au-delà des capitales et des métropoles.

Vous croyiez que l’opéra, ce n’était que pour les grandes villes ? Londres, Paris, New York, Vienne, Berlin, Rome et Milan ? Et chez nous réservé aux capitales de région ? Et bien non ! L’Opéra national du Rhin, fidèle à son projet « Opéra Volant » (L’Enfant et les sortilèges de Ravel en 2021 et la Petite Balade aux enfers de Gluck en 2023), présente cette année dans de petites et moyennes localités de la Région Grand Est une version française d’une comédie musicale américaine extrêmement populaire aux États-Unis : The Fantasticks de Tom Jones et Harvey Schmidt.

Créé en 1960 off-Broadway, dans une des petites salles du quartier ne disposant pas de grands moyens techniques et financiers, cet ouvrage écrit pour un effectif réduit a tenu l’affiche sans interruption dans sa mise en scène originale pendant près de 42 ans, pour un total de 17 162 représentations. Aujourd’hui, il est encore culte aux USA. C’est une des pièces les plus fréquemment montées par les lycées, les universités ou des troupes de théâtre amateur, et sa fraicheur et sa vitalité ne manquent pas de séduire des publics aux horizons extrêmement variées. En 2010, une enquête de New York Times révélait que The Fantasticks avait fait l’objet de plus de 11 000 productions différentes dans 3 000 villes et soixante-sept pays. C’est dire l’intérêt d’une telle création en France…

Des fondations solides

Que peut bien raconter cet ouvrage ? Le librettiste Tom Jones a eu l’idée de repartir d’une des histoires les plus anciennes de notre mythologie classique, celle de Pyrame et Thisbé issue des Métamorphoses d’Ovide : deux jeunes Babyloniens s’aiment en dépit de la rivalité de leurs pères, et vivent dans deux maisons contiguës, séparées par le mur fissuré qui leur permet de communiquer en secret. Le destin tragique de Pyrame et Thisbé a inspiré doublement Shakespeare : la rivalité familiale pour Roméo et Juliette, et la mise en abîme du dernier acte du Songe d’une nuit d’été. Le livret de Tom Jones s’inspire également, très largement, d’une autre pièce inspirée de Roméo et Juliette : Les Romanesques d’Edmond Rostand, dont il exploite la dimension à la fois parodique et méta-théâtrale.

Ici, si les deux familles voisines, les Hucklebee et les Bellomy, érigent un mur entre leurs deux jardins, c’est en fait parce qu’ils sont conscients qu’une telle action ne pourra que donner envie à leurs enfants respectifs, Matt et Luisa, de se rapprocher, de tomber amoureux et de se marier dans le but de désobéir aux interdits de leurs parents. Leur mésentente est, en fait, une feinte.

© Klara Beck
Des matériaux de récup’

Autre emprunt à Rostand, la figure de l’« acteur ». Elle est ici incarnée par le charismatique personnage de El Gallo, bandit séducteur qui tout au long de la pièce manipule et tire les ficelles de l’action, démontant un à un les rouages du spectacle. Il est aidé par ses deux acolytes : les impayables Henry et Mortimer dont il utilise les services. De cet assemblage de sources littéraires, encore enrichies dans la version française d’Alain Perroux, naît une action haute en couleurs, constituée d’innombrables rebondissements et revers de situation. 

Le ciment de la partition

Musicalement, la comédie musicale commence et s’achève par un grand tube planétaire, la chanson « Try to remember » immortalisée par des artistes comme Frank Sinatra, Barbra Streisand, Liza Minelli ou Harry Belafonte, en France par Nana Mouskouri, puis reprise ensuite à des fins publicitaires par une célèbre marque de café… Il serait réducteur de considérer que la partition de Harvey Schmidt se limite à ce seul numéro, tant la comédie musicale regorge de pièces toutes bien enlevées, écrites dans un style certes convenu mais toujours approprié à la tonalité de l’ouvrage. Malgré la nostalgie exprimée par ce numéro initial, c’est essentiellement sur le ton de la fantaisie et de la déjante que se décline la partition, qui tout en sacrifiant aux lois du genre sait à tout moment faire preuve d’esprit, de bonne humeur et de jovialité. On citera en illustration l’inénarrable duo « Plant a Radish » (« Plante un Radis« …), particulièrement bien servi par la traduction à la fois efficace et spirituelle d’Alain Perroux.

À lire également : Ils sont fous ces romains ! 
Théâtre, danse et chant : les briques d’un art total

De cet ouvrage drôle, tendre et pétillant, la metteuse en scène Myriam Marzouki et la scénographe Margaux Folléaa ont su concevoir un décor aisément mobile, parfaitement adaptable aux différents espaces destinés à accueillir le spectacle. Les deux jardins sont identifiés par deux serres et quelques accessoires. Le fameux mur, comme dans la parodie de Shakespeare, est incarné par un personnage qui commente par ses gestes et ses regards les agissements dont il est le témoin. Deux comédiens issus du Théâtre national de Strasbourg, Yann Del Puppo pour Henry et Gulliver Hecq pour Mortimer, complètent la distribution des rôles parlés. On notera l’excellence de la direction d’acteurs, à laquelle s’insère de manière particulièrement réussie la chorégraphie impeccablement réglée de Christine vom Scheidt. On saluera, comme souvent pour les comédies musicales, la polyvalence des cinq chanteurs, parfaitement crédibles dans leurs prestations de danseurs et d’acteurs. Tout au plus pourra-t-on regretter pour certains quelques difficultés avec la langue française, notamment pour les dialogues parlés.

© Klara Beck
Point par point : les jeunes aussi font le mur !

Les cinq interprètes en question étant tous des Artistes de l’Opéra Studio de l’OnR, encore en cours de formation, on ne peut pas les juger avec les mêmes critères que ceux des chanteurs plus confirmés.

  • On aura cependant apprécié à sa juste valeur le timbre frais et mozartien du ténor Jean Miannay dans le rôle de Matt ainsi que, toujours chez les messieurs, le baryton du Polonais de Michał Karski dans son portrait de Bellomy, le père de Luisa.
  • Dans le rôle du bandit El Gallo, également narrateur de l’histoire, Bruno Khouri se délecte du seul tube de l’ouvrage, auquel il prête les accents tendres et suaves de sa voix de baryton-basse.
  • Bernadette Johns, dans le rôle de Mme Hucklebee – bonne idée d’ailleurs que d’avoir remplacé le père de Matt par une mère castratrice en diable… – dispose d’un joli mezzo-soprano dont elle use sans effort. Son très léger accent britannique est un charme supplémentaire dans les dialogues parlés.
  • La soprano Ana Escudero, en revanche, n’est pas à l’abri de quelques stridences dont elle n’aura sans doute aucun mal à se débarrasser dans les années à venir.

Les cinq chanteurs sont accompagnés d’un piano et d’une harpe, chaleureusement applaudis en fin de spectacle par un public visiblement conquis et charmé par un spectacle désarmant à la fois par sa simplicité et sa subtilité. 

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