Les Nebelmeer : trio ou triade ?

COMPTE-RENDU – Mardi 2 avril 2024 le Trio (ou bien la Triade) Nebelmeer jouait Rebecca Clarke et Ernest Chausson, à l’Auditorium Jean-Pierre Dautel de Caen :

Mieux que la symbiose : la triade

Le trio Nebelmeer (trois syllabes en référence romantique à Caspar David Friedrich et sa « Nebelmeer« , mer de nuages), ce sont trois individus qui, comme les notes d’une triade, s’associent, en harmonie, sans renier leur identité musicale respective : leur son propre. Si, à la différence des quatuors à cordes, il est aussi rare qu’admirable qu’un trio avec piano réussisse l’exploit d’homogénéiser la sonorité des trois instruments au point de n’en former plus qu’un, ainsi que savent si bien le faire les Wanderer – auprès desquels, du reste, ce trio, né en 2019, s’est notamment formé –, ces jeunes chambristes nous paraissent en effet accomplir un tout autre exploit : celui de parvenir à l’unité, non plus dans la symbiose, mais dans une véritable harmonie.

À Lire également : le Trio Wanderer sera au Théâtre des Champs-Elysées la saison prochaine
Tous pour un, un pour trois !

Ainsi, tout comme dans l’accord parfait (trois notes comme do+mi+sol), il est possible de distinguer ce qui fait la singularité du jeu de chacun de ces trois brillants instrumentistes du CNSM. Le violoncelliste, Florian Pons, a un mode de jeu assez athlétique, il embrasse son instrument qu’il soumet à ses mouvements et respirations, façonnant ainsi une sonorité claire et puissante. Au contraire, le violoniste, Arthur Decaris, dont on remarque immédiatement la tenue d’archet et la posture imperturbables qui dénotent une certaine humilité à l’égard de son instrument, paraît chercher son expression dans le plus grand raffinement, quitte à risquer d’être quelques rares fois en retrait, au bénéfice de la plus grande extension possible des mouvements mélodiques. Le jeu du pianiste, Loann Fourmental, sans aucun maniérisme, s’exprime avec une grâce que traduit l’étonnante combinaison d’une grande précision rythmique, de l’élégance de gestes sans effort apparent et d’un legato servi par une pédale très présente qui ne trahit toutefois jamais l’intelligence du phrasé. 

Le je-ne-sais-quoi du bon accord

Cette place accordée aux individualités ne compromet pourtant pas l’impression bien réelle d’unité et de cohérence (c’est là le triomphe du trio). Une unité et une cohérence qui se retrouve d’ailleurs dans l’articulation de ces deux pièces pourtant assez différentes, le Piano trio (1921) de Rebecca Clarke et le Trio en sol mineur op. 3 (1881) d’Ernest Chausson. Au-delà du choix convaincant de la modération dans les tempi et dans les nuances qui a pu contribuer à une impression de continuité entre la circularité hypnotique de la première et l’expressivité romantique de la seconde, au-delà même de la chaleur d’une salle visiblement réjouie de retrouver ce trio qui avait choisi Caen pour enregistrer son premier disque en 2023 (c’était alors Albéric Boullenois au violoncelle) et vibrant sans doute déjà à l’idée de retrouver Arthur Decaris qui fit en ce lieu ses premières armes auprès d’Alexandra Mus, au-delà donc de toute explication, il faut bien admettre que ce sentiment d’unité tient aussi à un je-ne-sais-quoi : ce je-ne-sais-quoi grâce auquel trois notes différentes peuvent parfaitement aller ensemble, ce même je-ne-sais-quoi qui rend des couples – ou ces autres triades que sont les trouples – parfaitement heureux…

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