AccueilA la UneDon Quichotte à l'assaut de la Bastille, Mémoires d'un Hidalgo

Don Quichotte à l’assaut de la Bastille, Mémoires d’un Hidalgo

L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche d’après la comédie héroïque de Jules Massenet (Grand officier de la Légion d’honneur et Chevalier de l’ordre de Léopold), d’après la pièce de théâtre de Jacques Le Lorrain (fils d’un maître bottier), d’après le roman Miguel de Cervantes Saavedra (El manco de Lepanto).

« Ne pleure pas Sancho. Ne pleure pas mon bon.

Je m’en vais rejoindre La Belle Dulcinée. Avec l’astre éclatant, Elle s’est confondue.

Je m’en vais la rejoindre après avoir posé mon cœur à ses pieds, et, à son cou avec un dernier baiser, son collier que j’ai récupéré du terrible Ténébrun et de ses bandits qui allaient me pendre et n’ont pu que céder devant mon courage et ma noblesse… me rendant le collier, que tant et trop elle chérissait. Plus que moi, fatale désillusion ! Mais tu le sais Sancho, la désillusion est une illusion, la première existe réellement car la seconde n’existe pas ! Il n’y a pas d’illusion, seulement de nobles sentiments qui s’affrontent à la réalité du monde, et que j’aurai toujours affrontée, cœur vaillant, lance face aux vents (et aux géants).

Je le sais, je suis bien vieux et je meurs comme j’aurai vécu, dans mon salon, mais tu as bien vu que mon salon est un monde, que son plafond se lève, que son mur du fond s’ouvre et pas seulement sur ma cuisine mais sur un immense corridor de salons tournant vers les couloirs du temps. Je ne suis pas fou, tu as bien vu comme moi ces vils ennemis prétendants de Dulcinée, prétendant m’en éloigner, tout en noir et remuant leurs éventails comme des ailes de moulins, et ces autres dans leurs costumes d’écolier ou leurs tenues rockabilly (tu vois je traverse les temps en étant éternel grâce à mon histoire et à tous ceux qu’elle continue d’inspirer).

Tu auras peut-être remarqué comme ces êtres surgissent des murs, des meubles et même de sous le tapis, dans cet univers paré de vert, vert comme l’espoir et surtout comme le gilet de Dulcinée.

Et tu as vu, n’est-ce pas, ces chevaux de manège, apparaître et même emporter la Dulcinée au pieds nus, vers les étoiles que je chantais. Je vois d’ailleurs combien Dulcinée a aussi inspiré la Carmen habituée de ces scènes d’opéras et d’ailleurs combien toi, mon bon Sancho, tu as inspiré Figaro.

Ah, Dulcinée !…

Ce salon où je vis et où je meurs, c’est celui où j’ai lu tous les livres de chevalerie, qui m’ont inculqué toutes mes valeurs et m’ont lancé sur les routes… alors tu n’y verras peut-être que les fruits de mon imagination, dans cette « mise en scène » (et tu tairas je te prie les mélanges d’alcool et de médicaments qui me font tenir), mais, pour moi, tout ce que tu vois et ne vois pas, je le vis et je le vis.

Tu vois d’ailleurs que je suis passé maître dans la langue de cet opéra de Massenet qui me re-donne vie : dans la « langue de Molière » (leur Cervantès français) au point que je joue ici sur le passé simple de voir et le présent de vivre ! Tu auras aussi remarqué, je l’espère, combien je chante bien dans cette belle version que nous offre ce compositeur. Certes, j’ai encore un peu de mal sur quelques mots mais tu auras remarqué combien je sais me faire comprendre, en chantant ces paroles et plus encore en traduisant leur sens profond, en les jouant, en les incarnant, sans rien perdre de toutes les nuances construites par ma voix au fil des années. J’en suis fier, j’ai le cuir vocal encore vigoureux mais souple, la douceur élevée comme mes valeurs, de velours.

J’ai beaucoup apprécié aussi ton beau chant, mon cher Sancho : tu sais exactement quand te faire sonore, avec richesse, pour vanter mes mérites, et tu n’en fais pas trop sur l’humour ni sur l’esprit, tout en conservant l’agilité de ta langue bien pendue. Bravo Sancho ! Et même ta grande tirade médisante sur la gent féminine n’aura servi qu’à confirmer par comparaison, les qualités hors du commun de ma chère Dulcinée (enfin, pour moi).

Ah mon Sancho ! tu sauras toujours me faire rire (Don Quichotte par Damiano Michieletto © Emilie Brouchon – OnP)

Par-dessus tout, notre chère Dulcinée ! au front haut même lorsqu’elle baisse pudiquement le menton pour déployer plus amplement encore la vibration de son gosier, l’articulation de ses phrasés… Quelle merveille ! Je n’ai certes pas compris pourquoi elle était présentée ici (dans cet outil qu’on nomme « vidéo ») comme une institutrice… peut-être pour dire qu’elle est maîtresse des cœurs, comme elle l’est des vocalises : les cascades de ses notes ont une profondeur d’ambre et dans le même temps le brillant de tous les diamants que je veux bien aller quérir, pour elle. Ah Sancho, lorsque je la vois, quelle ardeur brûle en moi ! il faudrait que tous les moulins à vents du Royaume de l’Espagne soufflent dans ma direction et aussi fort que mon cœur bat la chamade, pour un peu apaiser mes ardeurs, qui me figent pourtant toujours autant.

Il faut dire que nous avions et continuerons d’avoir face à nous un preux chevalier : malgré la finesse de sa lame, ce sieur s’en sert fort bien pour diriger la fosse des musiciens. Après avoir pris, avec ses phalanges, la bonne mesure, il aura su alterner les grands accents sonores et les souplesses colorées de notre noble patrie ibérique. Tout le peuple de choristes m’a toutefois semblé un peu égaré dans la largesse de mon salon et de mon imagination, leurs voix sont certes sonores et placées avec valeurs, mais manquent de cohésion (j’en sais quelque chose et mon créateur aussi, lui qui a su affermir le trône de son roi dans les honneurs militaires, jusqu’à être blessé face à l’ennemi et capturé).

Quant à nos rivaux, ces vils étudiants/prétendants n’étaient pas forts en voix, le premier ténor vibrait tant que sa note bougeait, même s’il sait certes claironner, mais moins que l’autre ténor à la voix très ouverte mais qui projette mieux. Leurs deux comparses étaient, m’est avis, des femmes déguisées ! j’ai reconnu à la première une voix de soprano vibrante culminant d’intensité dans leurs ensembles et à l’autre une rondeur de mezzo plus élargie vocalement. Quant aux deux serviteurs, ils étaient appliqués mais de fait hachés quoique le second avait une voix plus chaleureuse tout de même.

Ne pleure donc pas Sancho, ne pleure pas mon bon. Ton maître n’est pas mort.
D’ailleurs cela ne sert à rien de faire venir le Docteur comme tu l’as essayé (d’autant qu’à l’opéra c’est toujours très mauvais signe).

Ton maître n’est pas mort, pas encore… Bon, certes, il l’est à la fin du livre et de l’opéra… mais quel succès, tu as vu !

Et puis… je te l’avais dit : les œuvres de l’esprit, la littérature, la musique nous rendent immortels !

La preuve, nous repartons dès la semaine prochaine (et ce sera à 10 reprises) à l’assaut de ce moulin sans ailes qu’ils nomment La Bastille !

¡Vamos Sancho! »

Don Quichotte composé par Jules Massenet sur un livret d’Henri Cain, à l’Opéra Bastille jusqu’au 11 juin 2024.
DISTRIBUTION : Patrick Fournillier, Direction musicale / Ching-Lien Wu, Cheffe des Chœurs / Damiano Michieletto, Mise en scène / Paolo Fantin, Décors / Agostino Cavalca, Costumes / Alessandro Carletti, Lumières / Roland Horvath – rocafilm, Vidéo / Thomas Wilhelm, Chorégraphie
Gaëlle Arquez, La Belle Dulcinée / Christian van Horn (en mai) Gábor Bretz (en juin), Don Quichotte / Étienne Dupuis, Sancho Pança / Emy Gazeilles, Pedro / Marine Chagnon, Garcias / Samy Camps, Rodriguez / Nicholas Jones, Juan / Young-Woo Kim & Hyunsik Zee, Deux serviteurs​

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