RECITAL – Directeur artistique du festival Angers Pianopolis, Alexandre Kantorow invite son ami et comparse Lucas Debargue pour le tout dernier concert de la saison, le rejoignant dans cette exploration superbe dans la grande œuvre des compositeurs romantiques : Fauré, Beethoven, Chopin, Debussy et Rachmaninov.
Fondé l’année dernière par le musicologue Nicolas Dufetel, également adjoint à la culture et au patrimoine à la ville d’Angers, le festival Angers Pianopolis poursuit son exploration du monde du piano avec tout autant d’exigence que d’éclectisme et d’excellence. C’est dans cette dynamique qu’Alexandre Kantorow, qui avait offert un magistral concert de clôture l’année dernière, est depuis cette année le directeur artistique du festival. Après Aurélien Pascal l’année dernière, cette seconde édition est marquée par l’amitié avec un autre pianiste, Lucas Debargue.
Lucas Debargue : tempête de velours
Pour commencer, c’est la seconde partie de son récital que ce dernier propose, comme une seule et même grande œuvre de do# mineur. Lucas Debargue y démontre immédiatement une limpidité affirmée du touché, proposant des nuances très délicates et pourtant toujours très présentes. C’est avec beaucoup de poésie qu’il offre des variations du Thème et variations de Fauré aussi sûres que sensibles, avec une conscience naturelle des phrasés qui paraissent évidente bien que décelant une structure très réfléchie. L’interprétation de la célèbre Sonate op.27 n°2 (dite « Claire de lune ») de Beethoven se fait d’abord lente et pesante sans néanmoins manquer d’un geste caressant faisant jaillir toute la profondeur du premier mouvement. Avec une régularité parfaite, le musicien ne cède ni à l’impatience, ni à l’épanchement, offrant un véritable moment hors du temps. C’est dans le troisième mouvement de la sonate qu’il déploie toute sa virtuosité avec un déchainement de contrastes et d’élans, tempétueux et passionné. Il clôt sa première partie par la Ballade n°3 de Chopin dont seuls quelques oiseaux ayant un nid sur les toits des greniers osent troubler le jeu passionné et puissant.
Deux pianos, une magie
Lucas Debargue est donc rejoint par Alexandre Kantorow pour une deuxième partie de concert à deux pianos. Bien que leurs personnalités diffèrent, ils parviennent à fusionner les timbres de leurs instruments grâce à une précision et des nuances parfaitement complices. Animés d’une même direction et attentif à l’équilibre, ils offrent de saisissantes couleurs aux teintes quasi aquatiques pour la Nocturne Nuages de Debussy, avant une vive et alerte Fêtes. Faisant toujours preuve de cette complicité aussi touchante qu’efficiente, ils manifestent un plaisir certain à jouer la dansante Sirènes avec beaucoup de finesse, et ce même dans les passages forte. Entre les passages aériens et doux des premiers mouvements de la Suite n°1 pour deux pianos op.5 de Rachmaninov et les intenses cloches de son quatrième mouvement, le duo offre un moment privilégié d’une interprétation magistrale pour clore leur programme.
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Devant un public debout pour les applaudir avec enthousiasme, Lucas Debargue propose en bis une composition de son fait, marquant son amitié avec Alexandre Kantorow par la juxtaposition de l’œuvre qui a marqué respectivement leur carrière, un Concours de circonstances dans lequel d’assemblent les différences : Gaspard de la Nuit de Ravel pour Debargue et la Sonate n°1 de Brahms pour Kantorow. Cette heureuse confrontation amicale ravit tout autant le public, reconnaissant de l’excellence de ce concert qui ne fait qu’ajouter à la qualité du festival Angers Pianopolis, déjà vraisemblablement bien ancré dans le cœur des artistes et des Angevins.