AccueilA la UneSpectres – triple recherche du temps perdu 

Spectres – triple recherche du temps perdu 

DANSE – Le Ballet de l’Opéra National du Rhin a envoûté le Théâtre de la Ville (Paris) avec son programme « Spectres », un triptyque de pièces phares signées des chorégraphes Lucinda Childs, Bruno Bouché et William Forsythe.

Ce voyage chorégraphique aura plongé le public dans une atmosphère envoûtante peuplée de fantômes du passé, en nous invitant à nous remémorer nos vies et nos rapports aux autres. 

Une rencontre amoureuse teintée de nostalgie

Créée en 2009 pour les danseurs de l’Opéra National du Rhin, « Songs from Before » de Lucinda Childs est une œuvre délicate sur les rencontres fugaces qui colorent nos vies et sur la manière dont on se les remémore. Douze danseurs tantôt seuls, tantôt en couple se souviennent de leur rencontre sur la musique envoûtante de Max Richter rythmée par de courts poèmes en prose de l’écrivain japonais Haruki Murakami. Un homme, voix off, sublime de façon poétique les petits gestes et les détails insignifiants du quotidien : des flaques d’eau sur le sol ou l’aube qui blanchit l’horizon. Parfois, on entend la pluie tomber au loin à peine perceptible sur la musique.  Des couples se croisent, s’aiment, puis se séparent mais toujours avec douceur et poésie.

Dès les premiers instants de sa pièce, Lucinda Childs nous invite à la rêverie mélancolique où elle revisite les basiques de la danse classique avec une précision millimétrée. Les mouvements des danseurs sont fluides et gracieux et leurs rencontres empreintes d’une douceur infinie. L’espace scénique est magistralement occupé par des paravents métalliques mobiles éclairés à leurs bases par un jeu de lumière blanche créant ainsi des figures spectrales des danseurs. En constant mouvement, l’ensemble constitué des danseurs et des panneaux va créer un tableau mouvant rappelant les œuvres de Vasarely. Cette pièce est avant tout une invitation à la méditation sur le temps qui passe et un questionnement sur les mystères de la rencontre amoureuse : Comment trouver son âme sœur ? Et que faire si on la rencontre enfin ? 

À Lire également : Einstein On The Beach - de la bombe
Après le calme, la tempête de la passion

Après la rencontre douce et poétique de la première partie, le programme « Spectres » virevolte vers une passion ardente et salutaire avec « Bless-ainsi soit-IL ». Inspiré de la peinture murale d’Eugène Delacroix, La Lutte de Jacob avec l’Ange, à l’église Saint-Sulpice de Paris, Bruno Bouché, directeur du Centre Chorégraphique National • Ballet de l’Opéra national du Rhin signe un duo sensuel et intense, porté par Cauê Frias (L’Ange) et Marin Delavaud (Jacob). 

Dans la Bible, Jacob se bat toute la nuit avec un homme mystérieux, qui se révèlera être un ange, qui se révèlera être Dieu. Jacob prend d’abord l’avantage avant de reconnaître le caractère surnaturel de son adversaire, qui lui donne un nouveau nom : Israël signifiant « lutteur avec Dieu ». Symboliquement, ce récit montre la ténacité de Jacob et sa volonté de combattre pour obtenir sa bénédiction. Sur scène, ce combat spirituel se traduit par un corps-à-corps puissant dans un décor dépouillé sur une musique de Johann Sebastian Bach transcrite par Ferrucio Busoni permettant de souligner l’intensité dramatique de la pièce. Chaque danseur puise sa force dans la résistance de l’autre, dans une lutte où les frontières entre l’anéantissement et l’amour s’amenuisent. Une passion ardente magnifiquement interprétée par les deux danseurs qui arrivent à créer une tension palpable entre eux. 

À Lire également : Bal tragique à Strasbourg
Puis vint le chaos et les tourments intérieurs  

Le programme se conclut en apothéose avec « Enemy in the Figure » l’une des pièces mythiques d’un des génies de la danse contemporaine, le chorégraphe américain William Forsythe, créée en 1989 pour le ballet de Francfort. Cette pièce nous plonge dans un univers chaotique et tourmenté où les corps des danseurs semblent animés par des forces invisibles.

Sur la musique électrique de Thom Willems, onze danseurs vêtus de noirs ou de blancs évoluent tels des fantômes dans un espace sombre bousculant nos cinq sens. Leurs mouvements sont désordonnés et saccadés traduisant une atmosphère d’urgence. Ils semblent lutter contre une force invisible les poussant dans leurs retranchements. Certains se cachent derrière un grand panneau ondulé de bois, tandis qu’un autre fait rouler un projecteur, éclairant ses camarades et créant des jeux d’ombres saisissants. Un autre encore se contorsionne suivant une corde s’activant comme une onde magnétique par un autre danseur. D’autres danseurs affolés courent, apparaissent et disparaissent étrangement sans jamais se préoccuper des autres. La répétition de certains gestes et les changements rapides de rythme procurent un sentiment d’urgence et de danger imminent, comme si les danseurs étaient constamment sur fil du rasoir leur permettant ainsi des moments d’improvisation indistinguables des moments chorégraphiés. 

À Lire également : Never dance in the Nederlands

Malgré une apparence confuse, tout est minutieusement ordonné par Forsythe afin de susciter dans le public un flot d’émotions intenses en explorant les tourments intérieurs. Cette pièce nous questionne aussi sur notre propre faculté à disparaître du monde qui nous entoure face aux premières difficultés. 

Un triple retour très réussi de l’Opéra National du Rhin au Théâtre de la Ville, invitant à méditer.  

- Espace publicitaire -
Sur le même thème

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

- Espace publicitaire -

Vidêos Classykêo

Articles sponsorisés

Nos coups de cœurs

- Espace publicitaire -

Derniers articles

Newsletter

Twitter

[custom-twitter-feeds]