SPECTACLE – Bartabas, le maestro français du théâtre équestre signe une nouvelle création époustouflante : Noces de crins. Sur la scène de la Grand Halle de la Villette, il réunit pour la première fois deux institutions d’excellence : l’Académie Équestre de Versailles et le Cadre Noir de Saumur. Une union équestre somptueuse et féérique à découvrir jusqu’au 23 juin.
Bartabas, atout crins
On ne présente plus Bartabas de son vrai nom Clément Marty, écuyer, metteur en scène, scénographe mais surtout le fondateur du Théâtre équestre Zingaro, créé en 1984. Une compagnie unique qui a révolutionné l’art du théâtre équestre.
Dès notre entrée dans la Grande Halle de la Villette, on est saisis par l’ampleur de l’espace scénique. Est-ce vraiment dans cette même salle que nous assistons aux spectacles de danse ? Une arène centrale trône au milieu, entourée de gradins de plusieurs niveaux. Les cavaliers et cavalières accompagnés de leurs montures surgissent des quatre coins de la scène soulignant la grandeur de l’espace scénique.
Union sacrée
Ce nouveau spectacle de Bartabas, scelle une union inédite, celle entre deux institutions équestres d’excellence : l’Académie équestre féminine de Versailles et le Cadre noir de Saumur. Cette rencontre, loin d’être évidente et facilitée par l’Olympiade culturelle organisée par le comité des Jeux olympiques et paralympiques est pourtant d’une richesse exceptionnelle. D’un côté les écuyers du Cadre Noir, héritiers d’une longue tradition militaire rigoureuse et maîtres incontestés du dressage et des compétitions. De l’autre, les cavalières de l’Académie équestre de Versailles, une école fondée par Bartabas, adeptes d’une approche plus artistique et poétique de l’équitation. Bref, un mariage entre l’art et le sport, le civil et le militaire, le masculin et le féminin mais surtout entre le nec plus ultra de cavaliers et cavalières que la France peut compter. Et la force de Bartabas est qu’il arrive à conserver l’identité de ces deux grandes institutions avec une rencontre au sommet avec pas moins de vingt-cinq cavaliers et une quarantaine de chevaux.
À cheval sur Bach
Les tableaux chorégraphiés par Bartabas s’animent au rythme d’une bande-son vibrante, une fusion audacieuse entre l’héritage baroque et les pulsations modernes. Un clin d’œil à l’union de ces deux institutions équestres qui joue aussi sur ce contraste entre tradition et modernité. En effet des préludes et des cantates de Jean-Sébastien Bach se mêlent à des rythmes électro-pulsants du multi-instrumentiste français Arandel.
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Dès l’entrée en scène des cavaliers et cavalières, le ton est donné : un choral pour orgue en fa mineur « Ich ruf zu dir, Herr Jesus Christ », BWV 639, résonne dans la Grande Halle avec une touche inattendue où des notes électroniques s’entremêlent à la solennité de l’orgue. La musique du maître baroque se métamorphose alors et ses préludes se font organiques pulsant au rythme des pas des chevaux, véritables stars du spectacle. Cette audace sonore bouscule les codes du spectacle équestre classique soufflant un vent de modernité.
Le soldat et l’amazone
D’un côté, des étalons noirs montés par des cavaliers en costume d’apparat noir épaulettes et boutons dorées exécutent des figures d’institutions avec un geste totalement maîtrisé et une grâce admirable : courbettes (lever des membres antérieurs en s’appuyant sur les postérieurs), croupades (décochage d’une ruade énergétique des membres postérieurs en s’appuyant sur ses membres antérieurs) et cabrioles (à partir du galop, le cheval se propulse pour sauter en l’air). Leurs mouvements précis et synchronisés illustrent la rigueur et la beauté de l’équitation classique comme cette traversée rectiligne de la Grande Halle de façon sous une lumière tamisée.
De l’autre côté, des cavalières, transformées en escrimeuses de choc, galopent sur des chevaux blancs avec fougue et détermination telles des amazones partant au combat. Inspirées de l’univers de Zingaro, leurs chorégraphies ajoutent une touche de poésie et d’improvisation au spectacle apportant un contraste saisissant.
Libres comme l’air
Le spectacle s’achève en apothéose avec une scène d’une beauté saisissante. De jeunes poulains, symboles de liberté et d’innocence, sont lâchés tous seuls sur la piste et s’ébattent avec joie comme s’ils se retrouvaient en pleine nature. Ils galopent, se chamaillent, se frottent les uns aux autres, se roulent par terre, gambadent, s’allongent les quatre pattes à l’air et se font des bisous. S’agit-il d’une improvisation parfaitement orchestrée ou simplement d’un moment de liberté totale accordée aux poulains ? Qu’importe, le spectateur savoure ce moment unique d’adrénaline et se laisse happer par l’énergie débordante des poulains. L’incertitude plane et on se demande si un grain de folie pourrait faire basculer le spectacle, ajoutant une touche d’excitation palpable.
Soudain, apparaissent de jeunes cavalières, leurs cheveux au vent et leurs robes rouges virevoltant. Elles s’approchent délicatement des poulains, entament une ronde gracieuse au milieu d’eux et les guident avec douceur dans un galop endiablé. Un moment de complicité et de confiance entre la femme et le cheval.
Noces de Crins est un mariage réussi qui saura ravir petits et grands, amateurs d’équitations et néophytes. Pendant 1h10, nous assistons à un spectacle rare alliant tradition et modernité, rigueur et émotion qui nous transportent dans un monde de beauté. Une ode à l’équitation française dans toute sa splendeur. Et nous, on sort de là très calés sur l’équitation : on est chauds pour commenter les JO !