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Pelléas et Mélisande à Aix : la vie rêvée de Katie Mitchell

FESTIVAL – La quatrième soirée du Festival d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence est une reprise de la production de 2016. Dans l’édition 2024, la cheffe Susanna Mälkki, à la tête de l’orchestre de Lyon, oriente et soutient la vision de Katie Mitchell. Un rêve dont on ne peut sortir indemne.

Le rêve, dans la mise en scène de Katie Mitchell, semble être un des fils conducteurs du festival. Il oriente la scénographie et le drame en souterrain tapi dans l’inconscient humain. Il construit et reconstruit aussi les bribes d’expériences saisies par l’intrigue pour leur donner une d’existence propre, qui permet tous les jeux scénographiques. 

La scène : maison des rêves

Toute l’histoire de cet Opéra, dont la fin est le commencement, est le rêve que fait Mélisande le soir de ses noces. Le mécanisme de condensation propre au rêve, fait que quelques minutes peuvent paraître des heures, quelques heures. Ici, c’est toute une vie. Il est restitué par une scénographie virtuose qui repose sur une équipe d’une trentaine de régisseurs réalisant en silence un travail de fourmi. La condensation permet au rêveur de franchir les barrières spatiales de la maison au décor commun. Mais la descente dans les profondeurs de l’inconscient exige un étagement, sous la forme d’un balcon d’où on observe la mer et d’un lugubre escalier à vis. Les protagonistes évoluent souplement dans toutes ces boîtes : hall d’entrée, chambre moderne ou rustique, salle à manger, piscine couverte désaffectée.

© Jean-Louis Fernandez

Mélisande y est souvent accompagnée de son double aux postures improbables, comme pour semer le trouble sur son identité, en œuvre dans le rêve. La jeune fille, la femme enceinte, la femme allaitante, la femme amoureuse et mourante sont une seule et même figure, dont la superposition condense l’histoire de sa vie et de sa mort. Le huis-clos est autant dans l’espace que dans le temps.

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Les lumières de James Farncombe ajoutent à ce trouble, par leur subtilité à la fois naturelle et symbolique, sans s’embarrasser d’effets spéciaux ou d’effets de fumée. Les costumes de Chloe Lamford sont d’élégantes secondes peaux, accentuant l’énergie sexuelle qui secoue le trio Golaud, Pelléas et Mélisande. Ces scènes à la sexualité crue répondent à la libido et sa position prise dans l’opposition entre pulsion de vie de mort. Deux caméristes déshabillent et rhabillent Mélisande, comme une poupée préparée pour le plaisir (mais pas le sien). De même, de puissant et noueux troncs d’arbre percent les murs de leur rigide extériorité. Hum, hum…

© Jean-Louis Fernandez
La musique : étoffe des rêves

La direction de Susanna Mälkki fait de la partition un rêve éveillé, lucide, aux aguets des moindres soubresauts émotionnels des mots chantés. La baguette fait des va et vient verticaux et précis, mesurés en fosse, lancés au plateau pour trouver le point d’équilibre entre contrôle et spontanéité.

  • La Mélisande de Chiara Skerath insinue sa voix coulante et facile.
  • La Geneviève de Lucile Richardot, solide et structurée, résonne comme une corne de brume dans le lointain.
  • Emma Fekete est un Yniold au timbre de rossignol, d’enfant de la nuit.
  • Le Pelléas d’Huw Montague Rendall est de présence électrique, élégante, élégiaque. Sa diction souligne une matière vocale faite d’ambre et d’écaille.
  • Vincent Le Texier en Arkel ancre le plateau dans son grave archétype d’arbre-maître, de contrebasson vocal.
  • Mais c’est le baryton français Laurent Naouri, déjà Golaud en 2016, qui est le centre de gravité du rêve, son noyau. Sa présence, inquiétante et magnétique, sa voix, insistante et colérique, en font l’opérateur central du drame, mais également le « dream operator », celui par qui tout finit par arriver, de la mort des amants au baiser incestueux sur la bouche d’Yniold.
© Jean-Louis Fernandez
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