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Je vois, je vois… Arielle Beck

BOULE DE CRISTAL – Le 44ème festival international de piano de la Roque d’Anthéron invite Arielle Beck pour une journée « Schumann » . À 15 ans tout juste, cette jeune pousse fait déjà beaucoup parler d’elle, et nous avons voulu en savoir plus. Rencontre avec cette prodigieuse pianiste dont l’avenir semble déjà tout tracé ! 

Scènes d’enfants 

Il était une fois une petite fille qui écoutait son grand frère jouer les œuvres du répertoire, notamment la Toccata de Prokofiev ou les sonates de Beethoven. À quatre ans, elle veut aussi jouer du piano et sait rapidement qu’elle sera pianiste, et rien d’autre ! Ses parents ne sont pas musiciens, mais mélomanes. Ils l’encourageront. 

Elle se forme avec le pianiste russe Igor Lazko, suit le cursus du CNR de Paris et obtiendra son DEM à 12 ans. Ça ira ? 

Puis, elle prend des cours avec de grands maîtres comme Stephen  Kovacevitch qui lui distille de précieux conseils tout comme Momo Kodoma. Vous en voulez encore ?

Accrochez-vous : une bonne fée s’étant penchée sur son berceau, elle obtient à 9 ans le 1er grand prix du concours international « jeune Chopin » présidé par Martha Argerich auprès de qui elle fait forte impression. À 10 ans, elle joue le concerto « jeune homme » de Mozart à l’Unesco de Paris, et découvre l’orchestre. Voilà voilà… 

© Valentine Chauvin

Et le conte de fée se poursuit : en juin 2023, elle remplace Katia Buniatishvili à Nantes au Palais des Congrès. Puis rentre tout naturellement au CNSMP dans la classe de Claire Désert. Parallèlement, elle n’oublie pas sa scolarité et suit les cours au CNED. Elle vient de passer son bac français avec deux ans d’avance (et 20/20 à l’oral). On n’est pas étonné quand on découvre son aisance à s’exprimer, sa maturité, la richesse de son vocabulaire, sa précision, son argumentation. 

Papillon 

La fillette alors sortie de sa chrysalide prend son envol, enchainant ses 1ers concerts, sa première participation au festival de la Roque d’Anthéron et aux folles journées de Nantes. 

Tout l’intéresse : le récital en soliste, le concerto avec orchestre mais aussi la transcription, l’improvisation et surtout la composition. Elle en a déjà plusieurs sous ses ailes, certaines déjà dévoilées lors de concerts. Elle explique avec les mots précis les procédés d’écriture qui lui sont propre, notamment lorsqu’elle a pensé la cadence du 23ème concerto de Mozart : « ne pas faire un plagiat mais penser Mozart avec une écriture plus moderne, en avance sur son époque ». 

D’une grande maturité, elle n’est pas une simple exécutante : elle réfléchit sur ce qu’elle joue et aussi pour qui elle joue, sur sa mission en tant que musicienne. Bien sûr elle souhaite avant tout émouvoir le public, être lisible dans son interprétation puisque selon elle « les gens viennent souvent avec une version dans la tête ». 

La virtuosité en elle-même ne l’intéresse pas, et c’est peut-être pour cela qu’elle n’affectionne pas particulièrement Liszt, même s’il figure dans son récital, précise-t-elle avec une pointe d’humour. Elle préfère les procédés d’écriture passionnée, comme ceux de Schumann. 

© Valentine Chauvin
Carnaval de Miramas 

C’est René Martin (directeur artistique du festival de la Roque d’Anthéron) qui lui a proposé une journée autour de Schumann, l’un de ses auteurs de prédilection avec Chopin, Scriabine, Ravel et Mozart. Cette journée programmée à Miramas se déroule en deux actes dévoilant les facettes de cette toute jeune artiste. Tout d’abord un récital au théâtre de verdure puis un concert avec orchestre dans la salle du théâtre La Colonne. 

Elle attaque sans aucun signe d’hésitation ou de trac l’une de ses pièces préférées : l’Humoresque opus 20. Elle gère les changements d’atmosphère comme des paysages sonores, tout en fluidité et sans aucune brutalité dans le jeu ou les attaques. Le touché est léger comme une plume, effleurant à peine les touches ou au contraire devient affirmé et puissant, toujours précis et nuancé. La main gauche est tonique faisant aussi chanter le lyrisme des thèmes qui lui sont confiés. Les phrasés sont d’une grande diversité, amenés avec subtilité et sans aucune exagération ou emphase.

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On perçoit un travail en amont très précis, réfléchi, sur la structure des pièces, la conduite harmonique où chaque modulation est clairement mise en valeur, alternant fraîcheur, mélancolie et fougue. Par moment, certaines intentions de la jeune interprète prennent des teintes fauréennes. Une virtuosité sans esbrouffe que l’on retrouve plus intense dans la dernière pièce de ce récital : une paraphrase de concert écrite par Liszt sur «  miserere du Trovatore » de Verdi. Les graves vrombissent, les lignes mélodiques s’intensifient, la vélocité est époustouflante. Déesse du piano dans cet amphithéâtre à l’antique, elle impressionne petits et grands par sa prestation, rivalisant avec une cigale en grande forme olympique ! 

La colonne triomphale

Deux heures plus tard, sur la scène du théâtre La Colonne à l’acoustique parfaite, elle joue le concerto en la mineur, proposant une version personnelle et convaincante. Elle montre déjà une grande maîtrise du rapport avec l’orchestre. Elle ne se bat pas bec et ongle contre lui mais au contraire, c’est elle qui mène la danse, le dompte en imposant son tempo, son rubato toujours bien pensé dans les moments cruciaux (exposition ou retour de thème, fin du 2ème mouvement où elle étire le temps pour mieux introduire le 3ème mouvement enchaîné aux allures dansantes, plein d’espoir et enthousiasmant). Le chef est à son écoute et elle à l’écoute des instruments assurant les solos. On retrouve la fluidité des traits, un jeu perlé et élégant, les variétés de jeux, de nuances, de couleurs, la dualité entre rêverie et fougue, l’émotion présente de la 1ère à la dernière note. L’esprit de Schumann est bien là et on se met à imaginer Clara Schumann (pour qui fut écrit ce concerto) se réincarnant dans la peau d’Arielle. Elle réussit à clouer le bec à un public pourtant habitué à écouter de grands pianistes, impressionne le chef Lauwrence Foster et les musiciens de l’orchestre Philharmonique de Marseille qui viendront la féliciter avec sincérité après le concert. 

Variations sur le nom « Arielle » 

Et l’avenir ? 

Désormais sûre de son choix d’être pianiste concertiste, elle va cependant poursuivre ses études au conservatoire et passer son bac d’abord ! L’échéance ne lui fait pas peur, c’est juste une question d’organisation et puis elle a déjà validé un certain nombre de modules au Conservatoire, ce qui va alléger son emploi du temps, précise-t-elle. Elle n’envisage pas forcément de passer des concours puisqu’elle est déjà « lancée » et a son propre agent artistique (Jacques Thelen, le même que Martha Argerich )

© Valentine Chauvin

Son Objectif principal ?  Enregistrer son premier CD cet automne. Un CD autour de ses compositeurs préférés mais aussi avec une de ses compositions : des variations sur un thème de Schumann. Étonnant, non ?  Une année très concertante en vue, avec l’orchestre de Montpellier, l’Orchestre National des Pays de la Loire, l’orchestre de Cannes. Mais aussi des récitals à Paris, Madrid, Nantes, Toulouse, Menton, ses débuts en Italie (Isola d’Elba).

Ses yeux s’illuminent lorsqu’elle cite le concerto en sol de Ravel pour la Folle journée de Tokyo et malicieusement, elle évoque une prestigieuse salle parisienne mais chut, on a promis de ne pas la citer… Et puis, à coup sûr, on vous tiendra au courant, parce qu’Arielle n’a pas fini de faire parler d’elle ! 

En attendant, vous pouvez la retrouver sur sa chaîne Youtube perso

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