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Vivre et revivre : le printemps sacré de l’Ensemble Irini

DISQUE – Spécialisé dans la musique liturgique de l’Orient à l’Occident, L’Ensemble Irini, dirigé par Lila Hajosi, propose un nouveau disque alliant musique latine et musique orthodoxe, issue de la liturgie géorgienne. À travers les échos de la musique sacrée, Irini met en miroir ces deux mondes musicaux qui auraient, semble-t-il, plus de points communs qu’on aurait cru… 

Vivre et laisser mourir

« Vivre, mourir, renaître », voici le programme proposé par Lila Hajosi, le fil rouge du disque et le point de rencontre entre les musiques liturgiques géorgiennes et les œuvres de Heinrich Isaac, compositeur de l’école franco-allemande, florentin d’adoption, de la fin du XVe siècle (rival de Josquin Desprez). Vivre est illustré dans les premières pièces du disque par des passages du Cantique des cantiques chantées en latin chez Isaac, et en géorgien pour la musique orthodoxe, représentant l’extase de l’amour divin.  

Vient ensuite Mourir, ou la notion de « catastrophe » (littéralement) : le basculement dialectique qui coupe soudain court à l’extase du Cantique des cantiques. C’est d’ailleurs ici que le titre du disque, Printemps sacré, prend tout son sens. Lila Hajosi fait en effet référence au « ver sacrum », pratique née dans l’Italie : une promesse au dieu Mars de lui sacrifier les enfants nés au printemps suivant. Ici, « sacrifice » signifie séparer, attendre l’âge adulte de tous ces enfants pour les expulser de la cité, les envoyer à la recherche d’une nouvelle terre pour fonder un nouveau peuple, les Samnites. Chez l’Ensemble Irini, mourir n’est donc pas tant un point final qu’un acte radical de séparation, d’abandon, pour mieux renaître ensuite. Un printemps qui n’est pas identique, mais qui fleurit à nouveau. Dans le disque, la mort – ou disons, la séparation – est présente dans les pièces composées par un Heinrich Isaac en exil, en même temps que les Médicis, et la liturgie mortuaire géorgienne. 

Renaître, enfin, est symbolisé par les odes à la Vierge, latines d’Isaac et géorgiennes – Vierge, bien entendu, symbolique même de la renaissance par l’image de la mère. 

Deux mondes, une musique

Pourquoi rapprocher ces deux univers musicaux ? Qu’ont-ils en commun, sinon le sacré ? Chez Isaac, vivre, mourir et renaître, fait référence à la vie du compositeur à Florence, à son exil et enfin, à son retour. En Géorgie, c’est une musique sacrée unique dans le monde orthodoxe qui fleurit sans cesse malgré les invasions destructrices du pays, puis contre les tentatives d’assimilation de Byzance et plus tard, de la Russie. 

Ce qui rapproche les deux univers, c’est avant tout leur construction musicale, comme tâche de le faire entendre Lila Hajosi dans ce disque. Au cœur de cette construction, une structure similaire dans l’écriture polyphonique, (spécialité de l’Ensemble Irini) se concentrant d’abord sur la superposition des voix, avant la primauté de la mélodie. Enfin, notons que du fait de la difficulté pour des néophytes d’aborder la musique liturgique géorgienne, l’Ensemble Irini propose ici une interprétation « occidentalisée », comme une introduction à sa polyphonie complexe. 

À lire également : Voces8 : vers l’infini et bien au-delà

Le disque commence par un motet d’Isaac et enchaîne ensuite avec les chants géorgiens. La richesse, la profusion de couleurs vocales touchent d’abord l’auditeur, du fait de ces ensembles de voix basses, sombres, superposées les unes aux autres, relevées par les lumières des voix claires des mezzos. Mais ce qui frappe le plus, au fur et à mesure de l’écoute, c’est la rigueur, la précision avec laquelle est menée l’interprétation – un travail de dessin, de tracé du contour de la musique par les voix, comme pour une figure géométrique. Mention spéciale à la petite incursion dans la liturgie grecque avec le Christos Anesti, où là aussi, le travail de la netteté des voix semble sculpter la musique. Une réussite, pour l’Ensemble Irini, dans ce travail à la fois de recherche et de restitution vocale. 

Pourquoi on aime : 
  • Pour la qualité de l’interprétation polyphonique 
  • Pour l’effort de restitution de la musique géorgienne 
  • Pour le travail de recherche historique fourni par l’ensemble
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