Shades of Schönberg, images mentales

CONCERT – En ouverture du festival qui vient fêter les 150 ans depuis la naissance du compositeur, le centre culturel Flagey réunit un public varié entre aficionados et curieux du génie de Schönberg. Le festival est judicieusement nommé « Aimez-vous Schönberg ? », interrogation qui sonne presque comme un défi, tant pour l’auditoire que pour l’orchestre Philharmonique de Bruxelles, sous la direction de Kazushi Ono.

Alerte Spoiler : Avec un pareil accueil du public, c’est un grand OUI ! 

De la musique à l’image
© Soline Heurtebise

Depuis de nombreuses années, le compositeur est principalement reconnu pour sa musique dodécaphonique, souvent perçue comme un véritable casse-tête par le grand public. Connu pour sa conception cérébrale de la musique atonale, liée à un calcul mathématique en douze tons, Schönberg se distingue également par son sens pictural aigu. En témoigne une pratique de la peinture que Flagey honore en proposant un jeu de carte illustré par le compositeur. Le compositeur n’a en effet produit de matière picturale (300 œuvres tout de même) que pendant quatre courtes années (1908-1912). Imprégné d’atonalité, d’abstraction – tout comme son ami Kandinsky – et de synesthésie, cet autodidacte de la musique et de l’image propose ainsi une révolution de la narration, de l’écoute et de la perception visuelle.

Afin d’éviter tout choc mental, Flagey mise donc sur un programme d’immersion en douceur. En ouverture d’un anniversaire qui s’étire sur trois jours, Le programme s’articule autour des opus de bascules (avant l’atonalité), inspirés par Wagner et Brahms. Le programme nommé Shades of Schönberg débute avec la Symphonie de chambre n°1 et La Nuit transfigurée, agrémentés du génie d’un autre : Debussy et ses Nocturnes.  Véritable fresque d’images et sensation presque cinématographique, Shades of Schönberg évoque une époque où la musique accompagnait les films en noir et blanc, désormais restitués en HD 4K par le Philharmonique. Du noir et blanc, romantico-polar, aux nuances supra-chromatiques des paysages impressionnistes, la musique rejoint l’image du grand cinéma, celui que chacun porte en soi. 

Personne ne voulait être Schönberg. Il fallait bien que quelqu’un le fût. Aussi est-ce moi.

Arnold Schönberg

« En principe, c’était pour moi la même chose que la composition. C’était une façon de s’exprimer, de manifester des émotions, des idées et des sentiments; et c’est aussi le chemin pour comprendre – ou ne pas comprendre – mes tableaux ». Arnold Schönberg 

Schönberg, grand romantique ?

Sonorités Hitchcockiennes et nerveuses la Kammersymphonie (composée en 1906) restitue à la fois le paysage intérieur et les grands tableaux naturalistes. De l’infiniment petit à l’infiniment grand, la notion de chiffre offre une démultiplication des sens, portée par la baguette de Kazushi Ono. Maître de précision, le chef réussit à offrir une plongée dans la nuit sonore, véritable expression de l’enfoui, entre retenue dissimulée et révélation brillante. L’orchestre nerveux des violons vient s’opposer aux sombres opaques des violoncelles et des percussions bien mates.  

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Encore plus envoûtante, La Nuit transfigurée (Verklärte Nacht) (composée à l’été 1899 mais présentée dans sa version de 1943) reflète l’amour passionné et intensément romantique du compositeur pour Mathilde, la sœur d’un confrère et compositeur autrichien, Alexander von Zemlinsky. Hommage à Wagner et à ses introductions sombres, l’éveil romantique rejoint la construction architecturale de la partition avec une grande puissance. Généreuse et persistantes, les lignes des cordes imitent les souffles, façon baroque avec une touche bien sombre. Basée sur un poème de Richard Dehmel, une femme raconte à son amant qu’elle est enceinte d’un autre ; Shönberg surprend par sa méthode de séduction. 

Mathilde Schönberg, Richard Gerstl, 1907 – Musée du belvédère, Vienne

Ceux qui étaient fâchés avec Schönberg sont repartis chamboulés, ceux qui le connaissait déjà lui ont découvert une touche peut-être encore plus brillante grâce au Philharmonique sous la direction de Kazushi Ono. Affaire à suivre, avec le Pierrot Lunaire, présenté 48h plus tard.

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