OPÉRA – L’Auditorium de Lyon programme, en version de concert et avec l’Orchestre de l’Opéra local, le puissant opéra d’Umberto Giordano, Andrea Chénier. Une histoire d’amours contrariées au temps de la Révolution française, dont la figure centrale est un poète contre-révolutionnaire dont les mots sont la seule arme (mais qui lui vaudront la mort sur l’échafaud). Forcément, un tel spectacle ne pouvait être conté qu’en vers.
En arrivant là il fut fort surpris :
Un soir d’opéra sans aucun décor !
Y aurait-t-il eu là un fâcheux oubli ?
Évidemment non, on est bien d’accord
Car de mise en scène, il n’y en a pas
Dans cette production qui pourtant promet
De passer d’un rien de vie à trépas
En suivant les pas d’Andrea Chénier
Un nom qui renvoie à des temps lointains
Où la guerre était une Révolution
Et où pour s’aimer sans aucun chagrin
Il fallait ruser en toute discrétion
Ainsi va la vie de ces personnages
Tous ici portés par un même élan
Avec des manières d’amour ou de rage
Jouées à la façon d’acteurs convaincants
Riccardo Massi se présente ainsi
À son avantage en poète aimant
Au ténor vibrant et l’aigu hardi
Avec un jeu de scène non moins saisissant
Anna Pirozzi est sa Madeleine
Tout aussi touchante et fort investie
Dans son rôle d’amante qui cède aux poèmes
D’un homme dont l’amour lui vaudra la vie
De sa voix entière et si expressive
Cette soprano là a de quoi charmer
Et le poil s’hérisse lorsqu’elle en arrive
À unir sa voix à celle de Chénier
L’intraitable Gérard se voit lui confié
À un baryton à la voix d’airain.
Son nom est Enkhbat et ce que l’on sait
C’est qu’une telle présence en effraie plus d’un
Sophie Pondjiclis, Comtesse et Madelon
Use d’une prestance qui ne faiblit pas
Une Bersi au chant plein de distinction
Devant tout à Thandiswa Mpongwana
Et il y a les autres qui aussi épatent
Tel Robert Lewis, Abbé au beau chant
Le robuste Roucher de Pete Thanapat
Ou Hugo Santos en Schmidt imposant
Reste Filipp Varik, l’Incroyable fait homme
Alexander de Jong en vif Matthieu
Antoine Saint-Espes en bref majordome
Et puis Kwang-Soun Kim, Fouquier minutieux
Bien des jeunes chanteurs à l’égal talent
Devant un orchestre à ce point fourni
Qu’il en vient parfois pris dans son élan
À prendre le dessus sur les voix jolies

Mais chef Rustioni a de la bouteille
Et de quelques gestes dont il a le secret
Il créé l’alchimie et fait des merveilles
Dont d’ardents tuttis constituent l’acmé.
Et parfois le maître à genoux se met
Non pour des chanteurs être à la hauteur
Mais pour mieux pouvoir de tous ses sujets
Tirer les plus vives et riches des couleurs.
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Ce qui vaut aussi pour un bien beau chœur
Formé de solistes fort bien préparés
Chantant bien l’amour autant que la peur
Dans une même fusion de voix enflammées
Le public en voit l’émotion monter
Et dans les rangées, vient cette confession :
« C’est pour vivre cela, qu’on aime l’opéra »
Ce qui vaut sans doute toutes les ovations