AccueilA la UneSonge d’une nuit d’automne à Radio France

Songe d’une nuit d’automne à Radio France

COMPTE-RENDU – À l’Auditorium de Radio France, Sol Gabetta remplace Hilary Hahn (souffrante) dans un programme étonnamment théâtral aux côtés de l’Orchestre Philharmonique dirigé par Mikko Franck :

C’est la violoniste Hilary Hahn qui devait se produire avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France dans le Concerto en ré majeur de Tchaïkovski, mais en convalescence à la suite d’un double pincement du nerf, c’est la violoncelliste Sol Gabetta qui a pris la relève, avec le Concerto d’Elgar sous la direction de Mikko Franck.

À Lire également - Chamayou et Gabetta : Chopin pour deux intimes
Prologue

Avec l’ouverture de Béatrice et Bénédict, Berlioz offre comme un drame miniature : le soleil de la Sicile, deux amants que tout oppose, les fanfares militaires, l’amour qui surprend les personnages… Tout l’opéra y est déjà contenu, teasé comme on dirait dans la langue de Shakespeare. Car en reprenant l’intrigue de Beaucoup de bruit pour rien, Berlioz s’offre l’une des comédies les plus fines du Barde, qu’il saupoudre de couleurs rossiniennes : c’est dans ces pages vives que l’Orchestre Philharmonique de Radio France est le plus à son affaire, même si les trompettes, tout à la joie de la partition, écrasent le reste des pupitres. Mais ce débordement de vie et de comédie emplit la salle avant les pièces autrement plus lyriques, voire tragiques, qui vont lui succéder.

Monologue

En effet, difficile de faire plus lyrique et passionné que le Concerto pour violoncelle en mi mineur d’Edward Elgar. Là encore, nous sommes au théâtre – non pas que l’expressivité des musiciens soit factice, mais le compositeur sait comment atteindre le spectateur en plein cœur. 

Sol Gabetta l’a bien compris, dans un premier mouvement tout en vibrato chez la soliste comme à l’orchestre. Les premières pages débordent de cordes, de chant intérieur, puis d’éclats fortissimo. L’Adagio est quant à lui une lente élégie qui chante les peines d’amour perdues, soutenue par les accents incisifs des musiciens. Mais ce que l’on aime le plus chez Sol Gabetta, c’est son esprit, son mordant dans l’Allegro molto. C’est aussi le sourire qu’elle adresse à l’orchestre au début de l’Allegro du Finale, et qui contamine l’ensemble : c’est intelligent et lumineux, les cuivres et les vents s’en donnant à cœur joie, avec une juste distance ironique avant que l’œuvre ne plonge définitivement dans le drame. 

Force de proposition, la soliste emmène avec elle les musiciens, le chef Mikko Franck la laissant s’emparer de l’œuvre et lui donner ses propres couleurs. Virtuosité, legato extrêmement tenu, richesse des couleurs notamment dans le grave, mais aussi un tempérament qui ne se laisse pas totalement avoir par les grands sentiments : si Sol Gabetta était un personnage de Shakespeare, elle serait sans doute sa Béatrice pleine d’esprit. 

Dénouement

D’esprits, la Symphonie en ré mineur de César Franck dirigée par Mikko Franck n’en manque pas, au sens des fantômes qui semblent peupler l’œuvre telle que le chef la conçoit. Il lui donne des contours particulièrement inquiétants, ainsi qu’une sensation d’étrangeté qui parcourt même les pages plus lyriques : ce sont parfois les couleurs des cors et des bassons, parfois des phrasés lancinants, parfois des fortissimo extrêmement tendus qui donnent au premier mouvement son tragique. Fantôme de Banquo ou spectre du père d’Hamlet, on ne sait qui s’est invité à la fête : mais l’extrême lyrisme du solo de cor anglais et des altos dans l’Allegretto, puis la tendresse du début de l’Allegro, portent en eux un sentiment de menace et d’urgence, pour une intrigue dont la tension ne se relâche jamais.

Il faudra toutes les péripéties du Finale pour arriver enfin à un dénouement heureux, où tout est bien qui finit bien. La qualité des solos (on pense surtout au hautbois et à la flûte dans le premier mouvement), l’expressivité des cordes graves et l’éclat des cuivres sont les acteurs principaux de cette lecture hautement dramatique, tout en décibels, qui aime faire beaucoup de bruit – heureusement pas pour rien.

Sur le même thème

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Vidêos Classykêo

Articles sponsorisés

Nos coups de cœurs

Derniers articles

Newsletter

Twitter

[custom-twitter-feeds]