COMPTE-RENDU – Le Festival de Ravenne poursuit sa quête héroïque de paix (thématique de l’édition automnale 2024) avec une production audacieuse mêlant Hail! Bright Cecilia et Dido and Aeneas de Purcell. Une mise en scène ingénieuse signée Pier Luigi Pizzi et une direction subtile d’Ottavio Dantone.
Pier Luigi Pizzi réemploie les décors minimalistes d’Ulysse de la veille : un espace blanc, épuré, sublimé par les lumières franches d’Oscar Frosio. Cette fois, l’action se déroule dans une salle de musique, où étudiants et instrumentistes célèbrent Sainte Cécile. Entre chant et semblant d’improvisation, ils passent de l’Ode à Sainte Cécile à une représentation spontanée de Didon et Énée. L’ajout d’un lit romain et d’un rideau marquant les actes transforme l’espace en scène d’opéra. Les costumes noirs du début laissent place à des habits Renaissance pour le drame. La mise en abyme, plutôt ingénieuse, joue ainsi sur la porosité entre interprètes et personnages.
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Une répétition qui tourne à l’opéra
Le ténor slovène Žiga Čopi se distingue dans Hail! Bright Cecilia où, entre voix de tête et registre de poitrine, il déploie une expressivité captivante, notamment dans le tendre « ‘Tis nature’s voice ». Il incarne aussi Mercure avec clarté et assurance. Arianna Vendittelli, incarnant une Didon lumineuse et émouvante, offre un attendu moment suspendu avec « When I am laid ». Son timbre tendre et nuancé porte admirablement la désolation de la reine tandis que Mauro Borgioni, en Enée, charme par sa voix chaleureuse et sensible, bien qu’un duo avec l’interprète de Didon en première partie semble le mettre à l’épreuve par le registre un peu trop grave.
Charlotte Bowden est une Belinda fraîche et agile, bien que parfois perçante. Delphine Galou (la Magicienne) brille par son jeu scénique sensuel mais peine à nuancer vocalement un rôle qui mériterait plus de mordant. Ses jeunes complices sorcières, Chiara Nicastro et Paola Valentina Molinari, apportent une belle homogénéité.
Il ne faudrait oublier les interventions des graves Gianluca Margheri, pas toujours très à l’aise dans les aigus sauf dans la puissance et avec des phrasés un rien inégal, Federico Domenico Eraldo Sacchi, à la voix homogène et pleine au grave d’un beau grain, et Jorge Navarro Colorado en Marin plutôt affirmé. On reste étonné de la prestation de Candida Guida, à la justesse douteuse et au timbre malheureusement apprêté.
Chœur et orchestre : vivants et investis
Le Chœur de la Cathédrale de Sienne Guido Chigi Saracini impressionne par sa fraîcheur et sa cohésion. Ces jeunes artistes transmettent un plaisir communicatif. L’Accademia Bizantina, sous la direction souple et précise d’Ottavio Dantone, accompagne avec finesse et vivacité, bien que l’ouverture de l’Ode ait manqué de rodage.
Après la poignante conclusion de Dido and Aeneas, Pier Luigi Pizzi joue un dernier tour au public : la soirée se clôt sur deux numéros de la Bright Cecilia, ramenant la légèreté d’un chœur final joyeux. Le public, chaleureusement réceptif, applaudit avec reconnaissance cette production inventive qui célèbre la musique tout en transcendant le cadre de la représentation classique.