AccueilA la UneFaut-il investir dans L'Or (du Rhin à Bastille) ?

Faut-il investir dans L’Or (du Rhin à Bastille) ?

AVERTISSEMENT – Ce texte ne constitue en aucun cas un conseil en placement quel qu’il soit (d’autant qu’on est plutôt bien placés partout à Bastille) : toute décision d’investir dans le prix d’un billet d’opéra et votre temps de loisir disponible pour vous lancer ou pas dans la nouvelle production de la Tétralogie signée Calixto Bieito à la bourse de (l’Opéra de) Paris vous appartient exclusivement, et doit être le fruit d’une analyse des marchés… ce pour quoi nous pouvons vous offrir une information pédagogique, ni plus ni moins et en déclinant toute responsabilité sur votre goût personnel :

Spéculatif ou Thésaurisable ?

L’Or est toujours une valeur refuge, depuis la nuit des temps et les mythes anciens (nordiques ou autres) et même à l’opéra grâce à Wagner et son cycle du Ring, qui commence par L’Or du Rhin avec lequel est forgé cet anneau de la richesse du monde…

L’Or du Rhin par Calixto Bieito © Herwig Prammer – OnP

Le cours de l’or, y compris puisé dans le cours d’un fleuve et d’un flux musical, reste ainsi très élevé, mais justement, au point que s’il peut être un investissement, il peut devenir un très mauvais placement… C’est assurément ce qui est arrivé d’abord à cette Tétralogie pour l’Opéra de Paris qui a investi dans un nouveau Ring… pile au moment du terrible krach culturel et sanitaire causé par le Covid-19. Le précédent directeur de cette grande boutique avait décidé de passer tout cela entièrement par pertes sans profits, le nouveau directeur a au contraire considéré que l’investissement était trop important pour renoncer.

À Lire également l'interview Ôlyrix d'Alexander Neef et les comptes-rendus de la Tétralogie alors sauvée mais en versions concertantes et à huis clos

Alors après l’effondrement, est-ce justement le moment parfait pour investir ? Le temps de cet article de conseil (cf. AVERTISSEMENT – ce texte ne constitue en aucun cas un conseil en placements quels qu’ils soient, etc.) nous devenons :

ClassykêOR !

Et bien entendu, la recommandation absolue consiste toujours à se méfier des bonnes affaires bien trop belles pour être vraies… Attention : « L’Or du Rhin » est ici une pure apparence, des lingots en vidéo et même pire, une simple lumière jaune projetée sur un cube de métal gris à travers un rideau translucide en guise de Rhin (rideau qui, en tombant, ressemble même davantage à un emballage bientôt mis au rebut).

Méfiez-vous donc des apparences ! Elles sont trompeuses, et vous trompent à nouveau ensuite dans l’autre sens : si vous aviez misé sur cet or, vous vous êtes fait avoir, alors vous n’investissez plus… Encore moins si vous aviez misé sur les pommes d’or annoncées, qui sont ici de vulgaires fruits en vrac dans un seau et finissent en compote sur le plateau… Tragique erreur ! car le faux or permet tout de même de couvrir ensuite Freia de pièces étincelantes (exactement comme les candidats voulant en rapporter le plus possible de Fort Boyard), et cet or projeté sur une cage grise symbolise en fait les soudures dorées employées en informatique : la cage de métal est en fait une Cage de Faraday. Sous cette cage, un data center (qui surgit ainsi de terre, impressionnante « forge » des temps modernes, au son d’une fosse wagnérienne des plus profondes musicalement). Alberich et Mime n’y minent même plus des cryptomonnaies, mais directement le génome humain pour créer des femmanoïdes.

L’Or du Rhin par Calixto Bieito © Herwig Prammer – OnP

Alors, mes seignors, il est l’or, l’or de s’en rendre compte… l’or de se réveiller : l’or est en toc, puis il est littéral (sonnant et trébuchant), puis il est symbole conducteur conduisant à l’humanité augmentée… vous ne savez plus où donner de la tête ? Hé bien mettez-la directement dans l’anneau : il est ici à ce point littéral qu’il est un immense anneau de cou (le livret de l’opéra parle bien sûr d’un anneau au doigt, et son texte n’est pas modifié ici). C’est en tout cas pratique pour le voir de loin (l’investissement dans des places, même de dernières catégories, est en cela valorisé).

Et toute cette production alternera, plus et plus vite que les cours de la bourse, entre le symbolique très symbolique et le littéral très littéral. Les filles du Rhin sont en combinaisons de plongée, avec bouteilles et palmes. Lorsqu’Alberich se transforme en crapaud, il met un masque de grenouille…

L’Or du Rhin par Calixto Bieito © Herwig Prammer – OnP
Les hausses et les baisses

Alors la constante, la valeur refuge est assurément la musique, et à ce jeu, la cote du maestro Pablo Heras-Casado est assurément au plus haut (un placement très intéressant pour lui à l’heure où l’Opéra de Paris est censé se chercher un directeur musical). Sa direction aussi souple que précise guide toute la délicatesse et clarté de la fosse. Les motifs de cordes impeccables et ondoyants rappellent combien Philip Glass a aussi fait une OPA sur la musique de Wagner. Les cuivres (malgré quelques incidents avant la clôture des marchés) jouent par leur maîtrise technique sur les effets de son distant ou d’autant plus éclatant.

Le cours et la cote de Wotan avait atteint des sommets d’expectatives avec la prise de rôle annoncée de Ludovic Tézier (assurément une valeur-sûre), malheureusement, ce cours s’effondre avec son remplacement, et Iain Paterson s’approche même de la banqueroute vocale tant son immense vibrato chevrote, puis bascule dans un son entièrement nasal. Mais là encore, il faut savoir miser (pardon investir !) au bon moment, et c’est lorsque son cours est au plus bas, face aux géants, qu’il trouve une vigueur vocale inespérée. Même parcours pour Florent Mbia en Donner de leçons puis d’ordres, commandant aux éléments du haut de la cage.

Froh est représenté avec une vision correspondant littéralement à son nom, qui signifie content en allemand : il est ici un Jésus en peignoir et baskets arborant un air de ravi de la crèche. Heureusement Matthew Cairns lui offre aussi sa voix ténorisante couverte dans l’aigu.

Complètement à l’inverse, Gerhard Siegel ne correspond pas du tout littéralement au nom de son personnage : loin d’un Mime, il est sonore, éclatant. De même, les géants Fasolt et Fafner ne le sont pas du tout, ni physiquement ni vocalement. Kwangchul Youn épaissit et allonge la voix tandis que Mika Kares porte bien son nom, offrant une étonnante douceur au personnage et à sa partie vocale (moins étonnante toutefois que sa tenue de cow-boy).

Simon O’Neill Loge le son dans sa voix pincée. Brian Mulligan en Alberich montre l’intérêt d’investir dans le jeu et l’articulation : l’opération peut être bonne même pour de faibles volumes de transactions sonores.

Eve-Maud Hubeaux n’avait pas la plus forte cote sur nos tribunes, elle offre donc un placement (vocal) à ne pas manquer ! Son interprétation de Fricka en tragédienne théâtrale et vocale va aussi loin qu’il est possible avant l’excès. Freia, en robe alpestre et ciré jaune, contraste d’autant plus, et avec le nom de son interprète Eliza Boom… sauf à la toute fin de la mise en scène, lorsque Loge approche avec un briquet aussi démesuré que l’anneau, pour l’immoler.

L’Or du Rhin par Calixto Bieito © Herwig Prammer – OnP

Marie-Nicole Lemieux a une fière valeur lyrique à travers le globe, malheureusement elle représente la déception du soir, son Erda étant vocalement engorgée.

Le cours vocal des filles du Rhin est idéal pour un « portefeuille » d’actions lyriques différenciées et très prometteuses : Margarita Polonskaya en Woglinde avec son ample vibrato, Isabel Signoret en Wellgunde au phrasé plus tranché et aussi clair, Katharina Magiera en Flosshilde plus lyrique de volume.

La mise en scène se conclut après l’entrée des Dieux dans la cage (tenant lieu de Ring) sur l’image en vidéo d’un bébé au casque en circuit connecté… annonçant la suite du cycle et un fameux héros qui va grandir. Pour savoir vraiment le cours de cette production, attention, ne vous fiez pas aux quelques échos que vous avez pu entendre comme nous en sortant de la salle (une mise en scène qui bat un record de laideur, et autre c’est moche, ou bien si j’y retourne c’est les yeux fermés, mais littéralement, …). Il ne s’agit pas là d’avis forcément représentatifs (même si ce sont d’habituels délits d’initiés wagnériens et pestant contre les propositions modernes). Impossible non plus de se fier à l’accueil du public aux saluts : le metteur en scène n’est pas venu (là encore, passant de l’iconoclaste à l’iconodule, en respectant une tradition très tradi consistant à saluer seulement à la fin du Cycle conçu comme complet). Pour suivre le cours de cette production et de l’or du Rhin, il faudra suivre les épisodes 2.0, 3.0 et 4.0 sur Ôlyrix et Classykêo.

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1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour, Marie Nicole Lemieux en Erda était époustouflante, la voix ample et wagnérienne.
    Elle a apporté un souffle évident de dramaturgie positive dans l’essoufflement général (notamment ) de Wotan et Loge.
    Il était temps que la mère Terre vienne calmer tout ce bazar scénique. (là sur ce point je suis d’accord avec vous).
    D’ailleurs le public ne s’y est pas trompé, puisqu’elle a été ovationnée au baisser de rideau.

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