AccueilÀ l'écranA l'écran - DanseLe Lac des Cygnes : le Royal Ballet s'invite au cinéma

Le Lac des Cygnes : le Royal Ballet s’invite au cinéma

DANSE – Nul besoin de traverser la Manche pour assister aux ballets du Royal Opera House. Après Les Nocesde Figaro, Alice au Pays des Merveilles ou encore Cendrillon, le cinéma Publicis a projeté ce 2 mars Le Lac des Cygnes, capté en avril 2024 à Londres. Un événement qui permet aux spectateurs parisiens de découvrir sur grand écran l’éclat intemporel de ce chef-d’œuvre, transcendé par la vision de Liam Scarlett.

Quand on évoque Le Lac des Cygnes, impossible de ne pas mentionner Petipa et Ivanov. Leur version de 1895, devenue canonique, repose sur une construction millimétrée où s’entrelacent rigueur académique et lyrisme romantique. Les “actes blancs” flottent dans une atmosphère féerique, entre équilibres suspendus et ports de bras immaculés, tandis que les scènes de cour jouent sur le contraste avec des pas de deux éclatants et des danses de caractère rythmées. Un langage codifié, où chaque pas raconte une histoire.

Quand le rêve bascule…

Tout commence dans l’insouciance d’un bal. Siegfried danse, rit, célèbre… jusqu’à ce que la pression du devoir le rattrape : il doit choisir une épouse. Mais comment aimer sur commande ? Troublé, il fuit dans la nuit et se retrouve face à une vision irréelle. Sous la lueur lunaire, un lac brumeux dévoile une silhouette envoûtante. Odette. Femme la nuit, cygne le jour, prisonnière d’un sort cruel. Séduit, Siegfried jure de la sauver. Mais l’illusion est partout. Von Rothbart, marionnettiste de cette tragédie, veille dans l’ombre. Le prince tiendra-t-il sa promesse face aux sortilèges du destin ?

Liam Scarlett, une écriture chorégraphique viscérale

L’approche narrative de Liam Scarlett plonge au cœur de la psyché des protagonistes, ancrant leur transformation dans un langage chorégraphique aussi précis que théâtral. Dès le prologue, il expose la malédiction d’Odette, pour une lecture plus explicite de son destin. Ce choix renforce la dramaturgie du ballet, inscrivant chaque mouvement dans une progression inéluctable, où la danse devient le reflet tangible du combat intérieur des personnages. Odette, incarnée avec une délicatesse souveraine par Yasmine Naghdi, nous livre une aquarelle de résistance qui s’érode peu à peu. Son corps, d’abord sculpté par des épaulements marqués, des cambrés profonds et des retirés développés, traduit une volonté de lutte contre l’envoûtement. Son pas de bourrée chassé, d’abord assuré, se fragilise en un bourrée tremblé, témoignant d’une instabilité grandissante. Ses fondus ciselés, encore porteurs d’une certaine maîtrise, s’étirent et s’alanguissent, amorçant l’effacement progressif de sa volonté.

À mesure que la malédiction opère, la gestuelle d’Odette se délite : ses arabesques déployées se transforment en arabesques penchées, son dos s’incline en renversé, son buste se plie dans des souplesses fluides, évoquant une vague soumise au courant. Ses bras, en seconde flottante, amorcent des battements précipités, semblables à des ailes hésitantes, tandis que ses petits battements en pointe et ses pas de cheval nerveux traduisent l’irréversible métamorphose en cygne. Face à elle, Von Rothbart, interprété avec une puissance magnétique par Thomas Whitehead, impose une présence oppressante, sculptée par un travail de pliés ancrés, de battements frappés et de sissonnes brisées qui dessinent une silhouette menaçante. Sa gestuelle, fluide mais tranchante, s’appuie sur des tours en attitude relevé, des grands jetés obliques et des portés verrouillés, qui cadenassent peu à peu Odette dans sa prison chorégraphique. Chaque déséquilibre orchestré, chaque relevé suspendu et chaque cambré figé inscrivent dans la danse l’inéluctabilité du sort qui s’abat sur elle.

Scarlett magnifie cette métamorphose en entrelaçant précision académique et expressivité dramatique. La danse devient un langage total, où le dialogue entre l’humain et l’animal se dessine dans chaque enchaînement syncopé, chaque tombé en déséquilibre, chaque échappée avortée. L’illusion se referme sur Odette, absorbée comme une teinte qui se dissout dans l’eau, jusqu’à ce que l’humain disparaisse complètement, happé par la malédiction.

Les toiles dansent et la musique respire

Portée par la direction précise de Martin Georgiev, la partition de Tchaïkovski devient une matière vivante. Les cordes tremblantes accompagnent les bourrées suspendues d’Odette, tandis que les cuivres incisifs rythment la présence implacable de Von Rothbart. Chaque crescendo épouse un développé aérien, chaque silence suspend un cambré fragile. Dans cet écrin sonore, John Macfarlane sculpte un décor en mouvement. Le lac, voilé de brume, vibre sous les ondoiements des cygnes, tandis que le palais royal impose une rigueur verticale, écho aux lignes hiératiques des courtisans. Jeux de lumières et textures entrent en résonance avec la danse : ombres qui s’étirent sous les glissades furtives, éclats dorés qui embrasent les fouettés incendiaires d’Odile.

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Une tragédie en clair-obscur

Plus qu’une captation, cette version du Lac des Cygnes s’impose comme un tableau total, où danse, musique et scénographie dialoguent avec une précision vertigineuse. Liam Scarlett réussit à insuffler une intensité nouvelle à cet héritage mythique, offrant une lecture viscérale où chaque mouvement, chaque respiration, chaque battement de cils raconte l’inéluctable. Un ballet où le rêve s’efface sous les assauts du destin, laissant dans son sillage une beauté crépusculaire et inoubliable.

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