CONCERT – Vendredi 7 mars, l’Orchestre National de Lyon proposait une soirée Ravel en hommage aux 150 ans du compositeur français. Le piment de la soirée prenait la forme de la commande d’une composition clin d’œil au fameux Boléro par le trompettiste Ibrahim Maalouf.
La soirée commence par un imprévu de taille : Nikolaj Szeps-Znaider étant souffrant, c’est son assistant Laurent Zufferey qui assure le menu ibérique. L’amuse-bouche de ce menu Ravel prend la forme de l’Alborada del Gracioso de Maurice Ravel, une « Aubade du Bouffon » enlevée et pleine de contrastes. Le son de l’orchestre est plein et clownesque, les portions généreuses et la balance des saveurs instrumentales équilibrées. Le basson solo s’y taille la part du lion, mettant en valeur une rondeur en bouche sincère et virtuose.
La surprise du chef
Dû au remplacement du chef au pied levé, une adaptation du menu en fonction de l’arrivage du marché induit la suppression du 1er plat. Pas de Sombrero de tres picos, ce Tricorne de Manuel de Falla : le chef Laurent Zuferrey sera donc tête nue pour ce menu. Tristement, pas de tapas du chef ou de note granadence pour cette soiréeibérique…
Une commande qu’on aimerait emporter
Poursuivant dans cet exotisme romantique espagnol pour le plat suivant, une commande a été passée à un virtuose des sens, le trompettiste Ibrahim Maalouf. Il avait pour mission de mettre en valeur un classique des classiques : le Boléro de Ravel. Tâche ardue que de réinventer un monument, mais le musicien libanais sert 6 variations sur un thème qu’il dit approuvé par l’un de ses fils : on sent un vrai amour familial pour les plats réconfortants. Et c’est effectivement le cas pour ces 6 bouchées. Le thème est évident, répété, toujours là pour tisser un fil rouge qui reste en bouche. L’effectif passe du plus intimiste trompette et piano aux cuivres seuls puis au retour du trompettiste solo, mais accompagné par les cordes. Suivent un quintette à vents élargi, un duo violoncelle et harpe et une fin brillante avec l’orchestre au grand complet. Les textures sont maîtrisées, attendues et typiques dans leurs usages. La cerise sur le gâteau est clairement dans le bis, où Ibrahim Maalouf régale ses clients d’une improvisation dont il a le secret, introduisant de sensuels quarts de ton issus de sa cusine familiale libanaise dans la cadence finale.
Un cheveu sur la soupe ?
Après l’entracte permettant de se remettre de ces émotions levantines, la deuxième partie du menu s’ouvre sur le Chevalier à la Rose de Richard Strauss. Un vrai cheveu sur la soupe qui tâche la constrcution soignée de ce menu ibérique. Aucun lien avec le chorizo sinon une même époque de production, et encore. La pièce est certes intéressante, bonne représentante du poème symphonique des romantiques. Mais la longueur en bouche du gros son d’orchestre finit par lasser, les cuivres (en particuleir les trompetes) prennant le pas sur les éventuelles couleurs plus subtiles des cordes et des bois.
La valse des desserts
Heureusement, une Valse des desserts danse sous nous yeux. Pleins d’étrangetés, tout à tour sombres et éclatants, ces mignardises revisitées frappent par l’habileté du processus de transformation de cette valse, classique des desserts à la crème. On touche presque à l’émerveillement du premier gâteau opéra d’un enfant ou d’une barbe à papa sur le carrousel du dimanche après-midi. La fin est spectaculaire, nous entraînant dans un tourbillon magique et sucré.
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Riche et gastronomique, ce concert en hommage à Maurice Ravel laisse un bon souvenir pour les papilles, entre découvertes audacieuses et classiques réconfortants.

